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11 février 2008

L'IMAGINAIRE EROTIQUE JAPONAIS

"L'IMAGINAIRE EROTIQUE JAPONAIS"
Dates : 1-30 mai 2008
Lieu : La Maison des Métallos, 94 rue Jean Pierre Timbaud, 75011 Paris

Projet
Les Japonais vivent depuis des siècles dans l'idée bouddhiste que "tout n'est qu'illusions". Au monde visible, ils préfèrent l'invisible et entretiennent avec les êtres virtuels une relation privilégiée. Les artistes que Japinc. se propose de faire découvrir en France sont les héritiers novateurs de cette sensibilité particulière à tout ce qui se tient dans l'ombre. Leurs oeuvres explorent un mystère. Comme des miroirs à fantasmes elles reflètent cet univers de l'envers, flou, ambigu, fantômatique et fantaisiste, qui hante l'imaginaire collectif nippon.

Artistes
Les artistes exposés à La Maison des Métallos sont parmi les plus représentatifs de la nouvelle génération, les fers de lance de la création contemporaine. Et chacun, à sa manière, s’affirme comme l’héritier d’une tradition esthétique et philosophique basée sur la notion essentielle du En : le lien. Au Japon, pays des avatars avant l’heure, il existe 70 manières de dire “je”, chacune déterminée par le rapport qu’on entretient avec l’autre, qu’il s’agisse d’un homme, d’une femme, d’un supérieur hiérachique, d’un dieu, d’un mort, d’un objet ou d’un animal… L’individu ne se définit qu’en réseau et possède plusieurs visages, à l’image finalement de ces bouddhas dont les 11 têtes symbolisent les 33 transformations et dont les 42 bras (qui en représentent mille) se dressent à travers 25 mondes pour embrasser la totalité de l’être… C’est cet être aux multiples et amoureuses formes, à qui l’existence est donnée comme un immense terrain de jeux, que les artistes japonais poursuivent. Colorées ou mélancoliques, gaies ou inquiétantes, leurs oeuvres explorent un univers de fantasmes qui cotoient le sacré, flirtent avec l’invisible et touchent parfois au coeur des forces primordiales de la vie.

Introduction
La pensée en Occident effectue toujours un mouvement qui va des ténèbres vers la lumière : c’est la raison solaire, cartésienne, objective, qui constitue la valeur suprême. Au Japon, où l’on cultive depuis des siècles l’amour de l’ombre et des chemins détournées, la vraie voie mène vers les zones brumeuses, lunaires ou laissées “en blanc” qui sont celles de l’expérience intérieure. Dans ce pays qui accorde la primauté aux émotions, les sentiments humains constituent la plus précieuse des richesses, au point qu’il existe même des mots pour en désigner la beauté. D’un moment bouleversant, on évalue le degré de poignance en utilisant des termes qui servent chez nous à juger des qualités artistiques d’une oeuvre. On parlera de “perfection” ou de “pureté émotionnelle”… C’est dire si l’art est une obsession au Japon. Même le fait de peler une pomme, de trancher un bambou ou de prononcer la phrase “Aï shiteru”, “Je t’aime” y est soumis à des contraintes formelles qui assimilent le moindre acte – y compris le plus prosaïque – à un instant de vérité absolu.
C’est ce lien entre l’art et l’érotisme – entre la beauté et la vie – que cette exposition tente d’explorer, à travers les oeuvres d’une quinzaine d’artistes venus du Japon.
Cette exposition s’articulera autour d’environ 100 oeuvres d’art représentatives des différents courants de l’art contemporain japonais et associées à des animations : atelier de poupée (kansetsu ningyo), projection d’un film-document sur le shibari, débats-rencontres et performances…

PREMIERE PARTIE DE L’EXPOSITION : UKIYO-E ET MODERNITE
Tout le monde connait Utamaro ou Hokusai. Mais qui connait Ryoko Kimura ou Yuji Moriguchi ? Bien qu’ils empruntent aux grands maîtres d’Edo les techniques ou les motifs traditionnels des estampes érotiques, ces jeunes artistes ne mettent en scène que la nouvelle donne des rapports homme-femme au Japon. Dans leurs oeuvres, les Bijin (belles femmes) d’antan se métamorphosent en jeunes femmes modernes et conquêrantes, sûres d’elles, qui font la dinette sur le corps de garçons offerts au regard et aux appétits. Le Yoshiwara est bien loin !

1/ SHUNGA : LES ESTAMPES REVISITEES
Le peintre Yuji Moriguchi réactualise la tradition des ukiyo-e et des shunga dans des tableaux peuplés de jeunes filles au regard de serpent, qui enlacent des poulpes ou se laissent caresser par les vagues avec des sourires ambigus. Ornés de papillons, métaphore de la jouissance, de lotus, de pins et de pruniers, qui symbolisent le passage des saisons, ses tableaux revisitent l’univers d'Hokusai avec un humour ravageur.

2/ NEO-GEISHAS : LES JEUNES FEMMES AU POUVOIR
Exposée dans d’innombrables galeries d’art aux USA (Seattle, San Francisco) et au Japon (Tokyo, Kyoto, Yokohama), Fuco Ueda entame à l’âge de 28 ans une carrière internationale prometteuse. Elle peint depuis qu’elle a 17 ans. Empruntant à la tradition japonaise des koan – les énigmes zen – son sens de l’irréalité, Fuco Ueda nous entraîne dans un univers parallèle et paradoxal qui est celui des “réalités transitoires”. Ses héroïnes, collégiennes filiformes, à mi-chemin entre l’enfance et l’âge adulte, détachées de ce monde, occupent le centre d’un univers dont elles seules possèdent la clé.

3/ YAOI : L’AMOUR DES ANDROGYNES
Le peintre Takato Yamamoto est le chantre du Yaoi, un genre artistique peuplé d'androgynes pervers et sulfureux… Lui aussi s’inspire de l’ukiyo-e, mais - de façon subversive - il ne met en scène que de jeunes garçons. Poétique, décadente, son œuvre s’inscrit dans la tradition du nanshoku (l'amour des éphèbes). Les corps y sont toujours à moitié enroulés dans les plis de kimonos morbides ornés de fleurs toxiques ou de papillons de nuit. Ses amants ambigus exaltent la beauté d'un monde d'illlusions, marqué par l'idée bouddhiste de la métempsychose… Takato a exposé au Japon à la galerie G8, à la galerie HB, à la Span Art Gallery et en Italie à Mondo Bizzarro.

4/ NINGYO : LES POUPEES AMBIGUES
Kaoru Mori fabrique des poupées à la Hans Bellmer, des kansetsu ningyo (poupées articulées) qui miment en la pervertissant l’idée qu’une femme pour plaire au Japon doit être une poupée…
Ses oeuvres irradient d’une puissance quasi magique. Ce sont des doubles érotiques, qui parodient le statut de la femme-objet et fixent le spectateur d’un oeil mimétique : Kaoru fabrique leurs yeux elle-même, avec des pupilles minuscules afin qu’elles aient le regard semblable à un miroir. Chargé de désir.


DEUXIEME PARTIE DE L’EXPOSITION : BEAUTE ET FRAGILITE
La poésie de l’impermanence, qui hante la pensée japonaise depuis un millénaire, situe l'émotion dans une harmonie entre l'homme et la nature. Tout tremble, clignote, dérive ou tombe. Tout bouge, rien ne reste immobile et éternel. Curieusement, ce sont les artistes les plus modernes – graphistes numériques ou auteurs de mangas - qui se sentent le plus proche de cette culture de l’éphémère. A travers leurs images, l'ancienne esthétique de l'impermanence rejoint la culture moderne de l'instantané et du provisoire.

5/ SHIBARI : ELOGE DU LIEN
Le graphiste Miyabi Kyudu retouche sur ordinateur des photos de shibari (bondage) pour en faire des tableaux imprégnés par le bushido - la culture de la honte.
Reproduisant avec délice les fantasmes d'humiliation des samourais de l'époque Edo, ses oeuvres livrent une femme - incarnation de la beauté classique - aux sévices les plus divers. Le décor de maison traditionnelle, les kimonos et les coiffures à l'ancienne transposent ces scènes de bondage érotique dans un Japon féodal dominé par l'esthétique de l'ombre. Suivant la théorie de Tanizaki, au Japon une femme n'est belle que si son visage se fêle, se crispe, dévoilant la “souillure” des émotions. L’âme transparaît.

6/ AMIDA : CE MONDE N’EST QU’ILLUSION
Rédacteur en chef d’un magazine célèbre pour ses publications artistiques (Araki y collabore depuis 1979), le photographe Yasuji Watanabe y publie - sous le nom d’Amida (le bouddha) - des clichés décalés montrant des jeunes filles habillées en poupée, le visage fermé, la mine boudeuse, attachées dans des décors de conte de fée dysfonctionnels. Ses séries de bondage sont donc marquées par l'idée que nous sommes tous liés, dans cette vie aussi irréelle qu'un songe, à des passions qui s'effacent plus vite que des traces de corde sur la peau…
Yasuji Watanabe réalise également des vidéos érotiques de shibari, purs chefs d'oeuvres d'étrangeté onirique, succession de clips lents et doux tournés dans des paysages flous. Il a publié un livre aux éditions Reuss (“Tokyo Girls”) et ses photos ont été publiées par Taschen dans “The New Erotic Photography”.

7/ SABI : LE GOÛT POUR LA FÊLURE
Au Japon, une fleur n'est belle que lorsque menacée de disparition. Une femme n’est émouvante que lorsqu’elle est meurtrie. A cette sensibilité délicate et mélancolique on a donné le nom de sabi. Le mot sabi signifie « rouille », « patine », puis par extension « goût pour le sentiment du passage du temps sur les choses. »
L’auteur de mangas Gengoroh Tagame – dont plusieurs oeuvres ont été traduites en France par les édition H&O – transpose dans l’univers masculin et viril cette poésie de l’amour fugace


TROISIEME PARTIE DE L’EXPOSITION : FANTASMES ET FANTAISIES
Marquée par l’animisme, la culture japonaise voit dans la moindre fissure ou grotte humide l’image d’une vulve copulant avec le vent, les racines ou les algues dans un coït chaotique. La forme insolite d’une pierre, le bruit étrange d’un animal suffisent à suggérer les plus fantastiques des copulations. Dans les Kwaidan – légendes traditionnelles japonaises – l’homme est la proie d’hallucinations sexuellement incorrectes : il se fait abuser par des hordes carnavalesques de monstres qui n’aspirent tous qu’à le séduire. Tantôt menaçante, tantôt folâtre, la nature protéiforme grouille de présences qu’il faut charmer, conjurer, invoquer ou envoûter dans un jeu d’équilibre permanent. De cette fantasmagorie jubilatoire et prolifique, les artistes contemporains tirent des oeuvres débordantes de fantaisie.

8/ KAMI : LES DIEUX QUI DANSENT
Photographe, danseur buto, Atsushi Sakai est fasciné par l’au-delà : « Nous vivons grâce aux morts » dit-il. Il invente des histoires en image inspirées du folklore traditionnel. Des kappa et des tengu (animaux imaginaires) y croisent des exorcistes shinto et de jolies femmes ensorcelées qu'il faut parfois attacher dans des grottes sacrées pour d'étranges rituels de purification… Des veuves déterrent le corps de leur mari mort pour lui faire l'amour. Des jeunes filles épousent des dieux-taureaux qui les visitent chaque nuit à la faveur de l'obscurité… Perpétuant à travers ses récits des croyances ancestrales, Atsushi Sakai ressuscite un univers où les divinités font la cour aux humaines. En France, les éditions du Lézard vont bientôt le publier.

9/ MISEMONO : LES ATTRACTIONS AMBIGUES
Réactualisant la tradition des Hentaï Misemono (exhibitions d’êtres anormaux), Asaji Muroi dessine depuis vingt ans, sous pseudonyme, des images dont le succès a dépassé les frontières du Japon. Autrefois installées dans l’enceinte des temples bouddhistes et des sanctuaires shintô, les Hentaï Misemono sont des baraques foraines montrant des “attractions” luxurieuses, monstrueuses, parfois cauchemardesques de femmes transformées en exutoire à fantasmes.


QUATRIEME PARTIE DE L’EXPOSITION : EROTISME ET EXORCISME
Beaucoup de Français trouvent que le Japon est un pays inquiétant, qui donne libre cours aux fantasmes les plus délétères et malsains… C’est par pure ignorance de l’aspect fondamental de l’érotisme au Japon : il est lié au sacré. Mimant l’acte fécondateur des dieux, les humains fertilisent la terre en dansant et en se laissant envahir par les puissances de la vie. Dans ce pays qui doit en permanence survivre aux tremblements de terre, la sexualité est le seul moyen de lutter contre l’angoisse de la destruction. Faire l’amour, c’est participer au combat contre la mort. C’est un rituel magique de conjuration, où l’on rejoue – en la simulant – la violence de ce combat primitif.

10/ YAMI : LA PUISSANCE DES TENEBRES
Le peintre TKL Kizimecca représente l'horreur - corps dépecés de jeunes filles - dans des décors de ruine où prolifèrent des plantes mutantes. Le souvenir de la bombe nucléaire hante son oeuvre apocalyptique.
Ses œuvres – des tableaux saisissants, hérissés de mains coupées qui semblent jaillir de la toile - s'inspirent à la fois des apocalypses à la Jérôme Bosch, de la musique noise industrielle et des faits divers sanglants qui marquent d'un stigmate quasi-religieux les lieux où ils se sont déroulés : il en émane une impression de maléfice troublant.

11/ SEI : UN MEME MOT POUR DIRE “LA VIE” ET “LE SEXE”
Rescapé du tremblement de terre du Kansai (1995), le photographe Ken’ichi Murata place ses modèles dans des décors de ruine et fait jaillir de leurs orifices des lianes vertes qui fleurissent… Il fait littéralement sortir le côté vital, l’énergie à l’état pur de l’être humain. Le plaisir, dans ses photos, exprime la vie dans ce qu’elle a de plus urgent : c’est la vie à sa racine même. “Le plaisir, c’est la seule chose qui permet d’oublier la mort, dit-il. Quand je fais l’amour, je pourrais mourir ; il n’y aurait pas de problème ». Ken’ichi Murata a publié deux livres aux éditions Reuss (“Japanese Princess” et “Princess of Desire”).

12/ MATSURI : LES ORGIES SACREES
Le peintre Naomichi Okutsu représente l'homme idéal, viril, symbole des puissance de vie. Son héros affronte des carpes géantes, chevauche des dragons ou porte le mitsukoshi, l'autel sacré - cube noir et hermétique ne refermant généralement que du vide - qui est à ce point entouré d'adoration au Japon que lors des processions tous deviennent ivres à son contact. Hommes et femmes se laissent contaminer par la puissance qui se dégage du corps collectif de l’autel. Ceux qui le portent, en transe, deviennent une sorte d’être unique et possédé par la Force qui détruit et qui fait renaître.

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Commentaires
A
Bonjour<br /> Vous avez eu la gentillesse de reprendre un de mes textes en entier sur votre site, mais sans mettre mon nom ni le lien, ni la source.<br /> Pourriez-vous réparer cet oubli ?<br /> <br /> J'ai écrit ce texte après avoir obtenu de la Maison des Métallos qu'elle organise une grand exposition sur l'art érotique japonais, exposition dont je devais être la curatrice. L'expo a finalement été annulée, faute de budget.<br /> Mon nom : Agnès Giard<br /> La source : http://agnesgiard.over-blog.com/<br /> Un autre lien : http://www.japinc.org/<br /> <br /> Je vous remercie<br /> Agnès Giard
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