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9 décembre 2007

SAVOIRS SERIEUX, SAVOIRS À PLAISANTERIE

LA DATE LIMITE D'ENVOI DES
CONTRIBUTIONS EST LE 23 JANVIER 2008.

SAVOIRS SERIEUX, SAVOIRS À PLAISANTERIE
DANS L¹HISTOIRE DES SCIENCES DU PSYCHISME.
XIXe-XXe SIECLES

Appel à contributions

Workshop organisé par l¹Action Concertée Incitative (CNRS, programme « Histoire des savoirs ») : De l¹âme corps au corps esprit. Lesconcepts mis en pratiques et les pratiques mises en concepts. Histoire croisée de la psychologie, de la psychiatrie et de la psychanalyse (Responsable : Régine Plas), le CESAMES, Centre de recherches psychotropes, santé mentale, société et le Centre Alexandre Koyré CRHST. Avec le soutien de la Société Française pour l¹Histoire des Sciences del¹Homme (SFHSH) et de la Société d'Histoire des Savoirs sur le Psychisme (SHSP)

Propositions à envoyer avant le 23 janvier 2008


Dans une communication publiée en 1928 sous le titre « Parentés àplaisanteries », Marcel Mauss s¹intéressait à un mode de parentéqui intriguait les ethnologues. Dans certaines sociétés, la belle-mère et le gendre, le neveu et l¹oncle (ou la tante), les beaux-frères et les belles-s¦urs, selon les cas, entretenaient rituellement une familiarité contrastant avec le respect habituellement requis entre parentsou alliés et pratiquaient entre eux des plaisanteries de toutes sortes, bonnes ou mauvaises, souvent lestes ou obscènes. On avait donc affaire à un type de lien socialement prescrit qui ne pouvait se réduire àde l¹interindividuel ou à de l¹interpersonnel. Mauss évoquait àce propos un « besoin de détente » qui saisit les humains en société et il donnait comme exemple les « messieurs se relâchant au fumoir de trop longues courtoisies auprès des dames ». Mais il ne s¹en tenait pas à cette explication psychologique générale et il indiquait que ce type de parenté devait être compris dans le contexte de cultures particulières, marquées par des représentations mythiques, juridiques, religieuses et esthétiques qui rendaient possibles ces liens prêtant à rire. Nous voudrions transposer librement ces descriptionset ces analyses dans le domaine de l¹histoire des savoirs, principalement occidentaux, et les appliquer en particulier aux sciences du psychisme -psychiatrie, psychologie, et psychanalyse. Il nous semble en effet quel¹on pourrait évoquer, au sein de ces disciplines, l¹existence de savoirs à plaisanteries qui s¹opposeraient à des savoirs sérieux et qui oscilleraient même, parfois ou souvent, des uns aux autres. L¹exemple du fumoir donné par Mauss n¹est plus anodin pour nous, car iltouche à ce que nous appelons désormais les savoirs sur le sexe et le genre. On pourrait montrer que ceux-ci, du XIXe siècle à nos jours,ont partiellement migré du registre du léger à celui du grave. Quoi qu¹il en soit de cet exemple précis, parler de savoirs à plaisanterie implique que l¹on s¹intéresse aux liens entre le contenu des savoirs et leur réception sous le signe du rire et que l¹on adopte uneperspective anthropologique ou culturelle sur ces liens.

Parce qu¹ils se proposent d¹étudier le moi, la subjectivité, le sujet « naïf », la folie, l¹enfance, le féminin ou, de façon plus générale, l¹inconscient, les savoirs et les pratiques du psychisme touchent au tabou, à l¹indécent, à l¹intime ou à l¹embarrassant, au plaisant ou à l¹incongru, à l¹absurde ou au grotesque, au puéril ou au futile ­ autant de domaines qui, en société, amusent, font rire, ou encourent le risque du ridicule. Comment les sciences psychologiques - psychologie, psychiatrie, psychanalyse - s¹exposent-elles à la plaisanterie, au rire et au risible dans leurs discours etleurs pratiques, comment les contournent-

elles, comment s¹en servent-elles ? Cette relation au rire et au ridicule paraît être une caractéristique des sciences et des savoirs psychologiques, et - dans une moindre mesure, mais cela demande à être vérifié -, de certaines autressciences humaines, notamment celles qui s¹intéressent au corps, au sexe, au genre, au paranormal, au « primitif » ou au « sauvage ». Les objets des sciences de la nature, en effet, quoique suscitant des émotions de toutes sortes, ne semblent faire rire que lorsqu¹ils ont trait en quelque manière au comportement humain (ou animal). Les sciences de l¹homme, en revanche, paraissent rencontrer le problème du rire, du risible et du ridicule pour des raisons constitutives, dans la mesure où l¹homme rit de ses semblables. Faire une science de l¹homme, et tout particulièrement du psychisme humain, c¹est s¹intéresser (notamment) à ces aspects qui, ordinairement, suscitent l¹amusement ou lerire ­ qu¹il s¹agisse d¹en parler « sérieusement », ou de produire une science amusante à leur sujet. C¹est également instaurer des pratiques savantes, qui, en tant qu¹elles créent elles-mêmesdes situations d¹interaction entre individus, peuvent à leur tour amuser ou faire rire les sujets psychologiques qui en font l¹objet, le public auquel elles sont adressées ou encore les scientifiques eux-mêmes. Ce comique savant peut alors être volontaire ou involontaire, et valoir, selon les cas, comme problème épistémologique à surmonter, opportunité méthodologique, ou encore outil rhétorique à manier. Les psychologues, les psychiatres et les psychanalystes peuvent notamment faire du sourire ou du rire une arme pour laïciser et désacraliser. Ils peuvent aussi, à l¹inverse, se revendiquer comme investis socialement d¹une mission sérieuse, voire presque sacrée, au risque d¹apparaître comme de nouveaux clercs et de s¹exposer par là même à la moquerie ou au ricanement des profanes. Les sciences psychologiques peuvent donc ainsi diversement quêter la connivence, mais aussi déclencher l¹ironie ou le discrédit des pairs, des sujets étudiés, et des non spécialistes : lorsqu¹on pratique ou étudie, d¹une manière ou d¹une autre, des savoirs à plaisanterie, on s¹expose parfois àdevenir soi-même objet de plaisanterie. Nous nous proposons donc d¹interroger la spécificité de la relation qu¹entretiennent les savoirs du psychisme au divertissement, à la plaisanterie, au comique, et àl¹humour. Il ne s¹agit nullement de dresser un quelconque bêtisier, mais au contraire de faire l¹hypothèse que ce thème permet d¹explorer certaines contraintes épistémiques ou culturelles propres à ces sciences, d¹interroger leurs relations complexes avec des formes desavoirs ou de pratiques plus populaires et, de ce fait, considérées comme moins sérieuses, et enfin d¹examiner la spécificité de leurmode de réception et de validation (à l¹intérieur ou à l¹extérieur de la communauté scientifique)

. Les directions de recherche que nous proposons semblent ici d¹autant plus prometteuses que l¹histoire des savoirs psychologiques s¹est souvent attachée à faire une analyse des énoncés plus que des modes d¹énonciation et de réception. En outre, l¹historiographie, lorsqu¹elle s¹est intéressée aux émotions étudiées ou suscitées par ces savoirs, a généralement privilégié d¹autres affects (l¹amour et la sexualité, la peur et la souffrance psychique) et insisté, jusqu¹ici, sur des aspects plus sombres ou plus dangereux des pratiques psychologiques.

1 - Un premier axe du workshop pourrait donc consister à examiner la façon dont les sciences du psychisme ont appréhendé les objets habituellement tenus pour risibles ou amusants ­ le sexe, les femmes, mais aussi les rêves, les mots d¹enfants, les anecdotes sur les animaux, lescroyances populaires, les émotions ou traits de personnalité ridicules, les comportements absurdes ou extravagants, etc. - qu¹il s¹agissealors pour elles de neutraliser le rire ou de le solliciter. Les sciences psychologiques, lorsqu¹elles ont voulu traiter par exemple de l¹enfant ou de la femme hystérique, se sont en effet démarquées des « contes de nourrice » et des plaisanteries rituelles sur la femme, mais elles ont aussi adopté parfois le ton et le style naïf ou plaisant que requéraient leurs sujets. Inversement, les sciences du psychisme ont contribué à rendre potentiellement risibles ou comiques certains objets ou comportements considérés jusque-là comme sérieux ou sacrés (l¹âme, l¹introspection, la croyance religieuse, les émotions morales, etc.) - en les ramenant, par exemple, à des déterminations organiques ou sociales inaperçues. Pour se référer au cas de la France, on peut faire l¹hypothèse que les savoirs et les pratiques du psychisme se constituent, aux XIXe et XXe siècles, dans une relation ambiguë de rivalité mais aussi d¹appropriation par rapport à ce qui était jusque-là du domaine du religieux et, plus généralement, du sacré, dans un contexte historique spécifique de sécularisation. 2 - Une autre direction de recherche pourrait toucher à la manière dont les investigations psychologiques elles-mêmes peuvent, délibérément ou à leurs dépens, créer du comique. La psychologie sociale, par exemple, construit des dispositifs expérimentaux apparentés au genre théâtral reposant sur la manipulation et la tromperie du sujet d¹expérience, l¹usage de comparses et une forme d¹a parte avec le lecteur qui rappellent des situations de « farces » ou de « caméras cachées ». Ces scénarios potentiellement comiques ou grinçants pourraient se retrouver déjà dans l¹hypnotisme expérimental du XIXe siècle ou dans d¹autres domaines de la psychologie expérimentale. Onpeut également songer aux modèles simplifiés de la vie mentale surlesquels s¹appuient les savoirs du psychisme comme à un facteur spécifique de comique ; ainsi, les études de cas qui mettent en scène des individualité

s-types renouent-elles parfois avec le genre de la satire ou la caricature ; de même les expériences de psychologie, lorsqu¹elles visent à révéler les déterminismes agissant sur le comportement humain, pourraient être vues comme des dispositifs qui « plaquent du mécanique sur le vivant » ­ l¹essence même du comique, selon Bergson. Si ces expériences apparaissent parfois aux non-spécialistes comme dérisoires, ridicule, ou tristement drôles, on pourrait également s¹interroger sur le rôle qu¹a positivement joué (et joueencore) le potentiel comique dans l¹efficacité et la notoriété de certaines expériences de psychologie. 3 - Une autre piste de recherche pourrait enfin renvoyer aux usages spécifiques de l¹ironie et de l¹humour dans la réception et la critique des doctrines et des pratiques psychologiques. Ainsi il nous semble qu¹aux XIXe et XXe siècles, des approches qui ont proposé une recomposition générale des savoirs sur l¹homme, et dont la reconnaissance académique a fait problème, sesont exposées au rire, dans la mesure notamment où elles se sont constituées comme des mouvements parallèles aux sociabilités savantes officielles et comme des contre-cultures. On pourrait évoquer la physiognomonie, la phrénologie, le magnétisme animal, le positivisme, l¹hypnotisme, la parapsychologie, la psychanalyse. Ces savoirs ont eu d¹autant plus à affronter et à assumer la plaisanterie ou le ridicule qu¹ils ont touché à des objets considérés socialement comme légers, relevant du roman, du théâtre, voire de la blague, de la caricatureou de la chanson plus que des sciences respectables. On peut également penser au rôle spécifique joué par l¹ironie et l¹humour dans la tradition des « pamphlets » anti-psychologiques écrits par des philosophes (Politzer, Canguilhem) ; ou encore au topos du psychologue incapable de comprendre ses semblables dans la vie courante (Alfred Binet mis en scène par le dramaturge François de Curel, Pierre Janet passé au crible des souvenirs de sa fille Hélène), parallèle à celui dupsychiatre plus fou que ses fous.

Ces exemples n¹ont aucune prétention à l¹exhaustivité

. Ils visent seulement à proposer quelques pistes et à donner des idées. Le but de ce workshop peut être aussi de faire apparaître de nouveaux domaines de savoirs à plaisanterie ainsi que des comparaisons internationales auxquelles nous n¹aurions pas pensé, et d¹élargir l¹empan chronologique des investigations sur les savoirs à plaisanteries.

Les propositions de contributions, d¹au moins une page (3000 à 4000 caractères espaces compris), doivent être envoyées avant le 23 janvier 2008 à Régine Plas (regine.plas@univ-paris5.fr) et à JacquelineCarroy (jcarroy@ehess.fr). Les textes des contributions acceptées (10 à 15 pages en Français ou en Anglais de 30 000 à 45 000 caractères espaces compris), devront être envoyés également à Régine Plas (regine.plas@univ-paris5.fr) et à Jacqueline Carroy (jcarroy@ehess.fr) lorsque la date de l¹atelier aura été fixée. Ce workshop sera en priorité réservé aux intervenants, mais il pourra être ouvert,dans la mesure des places disponibles, à des personnes intéressées. Il prendra la forme d¹un atelier en Français (mais les communications en anglais seront acceptées) au cours duquel chaque contribution sera résumée brièvement par son auteur et discutée ensuite par deux discutants et par les participants. L¹objectif est d¹aboutir à lapublication d¹un ouvrage collectif.

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