L’hermaphrodite, de la Renaissance aux Lumières
1er mai 2010, Arras (26-28 mai 2011)
L’hermaphrodite, de la Renaissance aux Lumières
« Textes et cultures », Université d’Artois
Date limite : 1 mai 2010
Bien
que l’hermaphrodite ait été l’objet ces dernières années de nombreuses
études, tant en France que dans le monde anglo-saxon, en particulier à
travers le prisme des gender studies, il mérite qu’on y revienne. En
effet, pour ce qui est de la période envisagée, les travaux de Kathleen
P. Long pour la Renaissance, de Patrick Graille pour les XVIIe et
XVIIIe siècles, et l’analyse de Pierre Ronzeaud sur l’utopie
hermaphrodite, pour ne citer que les ouvrages les plus connus, invitent
à poursuivre la réflexion sur une figure aussi complexe que
contradictoire, notamment en ce qu’elle interroge les frontières entre
le masculin et le féminin, la norme et le monstrueux, le mythe et la
réalité, et se trouve à la croisée de nombreux discours, où se
confrontent et s’interpénètrent le médical, le politique, le
théologique et le littéraire, entre héritage antique et modernité.
La
fable ovidienne de la nymphe Salmacis, s’unissant à jamais au bel
Hermaphrodite, suscita nombre de commentaires et de réécritures, et
rencontra à la Renaissance le mythe de l’androgyne platonicien, idéal
de l’unité perdue, qui, dans sa version christianisée, a donné
naissance à une riche pensée ésotérique et poétique autour de l’Adam
double : aussi l’androgyne apparaît-il dans nombre de textes, en
particulier allégoriques, comme le symbole de l’union et de la
complétude.
En revanche, Hermaphrodite est dans la fable une figure
de l’impuissance et de la perte : c’est un dieu déchu, incomplet, qui
se rapproche par là même de l’hermaphrodite réel, objet à partir du
début du XVIIe siècle de violentes querelles entre médecins. Le refus
progressif de la possibilité d’existence de l’ « hermaphrodite
parfait », qui rassemblerait en lui les caractères masculins et
féminins et pourrait être fécond et comme homme et comme femme — ce qui
annule la frontière entre les sexes — est ainsi à lire comme une
volonté de disjoindre réalité et mythe, ou en d’autres termes
d’empêcher la superposition entre l’androgyne mythique et
l’hermaphrodite anatomique.
Cela
dit, et ce n’est pas un hasard, les deux termes sont synonymes chez la
plupart des auteurs de l’époque, ce qui signale la difficulté à
envisager l’hermaphrodite en dehors du puissant mythe androgynique.
C’est en effet la tension entre l’image idéale de la fusion des sexes
et la possibilité angoissante d’une confusion informe qui habite nombre
de textes. Le discours scientifique qui vise à détruire la fascination
exercée par l’être bisexué n’y parvient pas, dans la mesure où il
n’arrive pas à classer l’inclassable. L’hermaphrodite occupe ainsi dans
nombre de champs de savoir une place stratégique et déstabilisante,
parce qu’il oblige sans cesse à penser la frontière des sexes : le
discours médical s’interroge sur l’origine et la nécessité de la
distinction sexuée ; le droit, en ayant à statuer sur l’identité
sexuelle, impose avec hésitation une définition complexe à partir
d’éléments anatomiques et/ou du comportement social (différenciant
ainsi le sexe et le genre). La théologie mystique, l’alchimie, les
récits de voyages, les canards, en accordant à l’hermaphrodite une
place majeure, obligent à s’arracher à l’évidence de la séparation des
sexes, et par là même interrogent les normes que la société admet ou
construit.
Ce n’est donc pas un hasard si cette figure se retrouve surtout dans des textes que l’on pourrait qualifier de « marginaux » : les pamphlets politiques ou religieux, les utopies (de Artus à Casanova), les textes burlesques (comment ne pas penser à Hermaphrodix, personnage de La Pucelle d’Orléans ?), la littérature ésotérique, alchimique ou mystique, ou encore les ouvrages érotiques, voire franchement pornographiques. On ne saurait par ailleurs négliger toutes les questions liées à la langue ou au style « hermaphrodite » qui apparaissent dans nombre de ces textes : le sexe de la langue pose à son tour problème.
Le colloque vise à lancer une vaste enquête qui permettra de trouver des documents, éventuellement iconographiques, qui n’ont pas encore été étudiés, et d’enrichir ainsi le corpus sur l’hermaphrodite. Il s’agira aussi, dans une perspective diachronique, avec ses continuités et ses ruptures, d’étudier les enjeux de cette figure, et de se demander si elle n’est pas déjà devenue, avant même le romantisme, un mythe littéraire et esthétique.
Plusieurs axes de recherches — la liste n’est pas exhaustive — sont possibles :
— L’hermaphrodite dans les discours savants
— L’hermaphrodite et les récits de création
— Les significations allégoriques de l’hermaphrodite
— L’hermaphrodite, entre sérieux et grotesque
— Les utopies hermaphrodites
— La langue hermaphrodite
Ce colloque s’inscrit dans le cadre de l’axe « Marges et frontières de la littérature » qui constitue un des pôles du centre de recherches « Textes et cultures » de l’Université d’Artois (EA 4028).
Une journée d’études pour préparer le colloque aura lieu le 1er décembre 2010.
Les communications, de préférence en français, dureront 25 minutes. Celles qui seront retenues par le comité scientifique seront publiées dans les actes du colloque.
Les projets de communication devront être adressés avant le 1er mai 2010 à Marianne Closson, marianne.closson@wanadoo.fr, ainsi qu’à Claudine Nédélec, clnedelec@yahoo.fr. Nous vous demandons d’envoyer une proposition en fichier attaché format .rtf, de 500 mots maximum, accompagnée d’un court CV dans lequel figurera votre université ou laboratoire d’affiliation ainsi que votre adresse électronique. Vous pourrez éventuellement ajouter quelques références bibliographiques si vous avez déjà travaillé sur ce sujet. Le fichier aura pour titre le nom de l’auteur ou des auteurs de la proposition.
N’hésitez pas à prendre contact avec nous si vous avez des questions.
Date limite d’envoi : 1er mai 2010
Responsable : Closson Marianne
Adresse : 121, avenue Parmentier 75011 Paris