La mort propagande 1977 Hervé Guibert
La mort propagande
« …Mon
corps est un laboratoire que j’offre en exhibition, l’unique acteur,
l’unique instrument de mes délires organiques. Partitions sur tissus de
chair, de folie, de douleur. Observer comment il fonctionne, recueillir
ses prestations. Toutes mes expressions. Tout ce qui peut en jaillir,
gicler. Tout ce qui m’ahurit. A l’issue de cette série d’expressions,
l’ultime travestissement, l’ultime maquillage, la mort. On la
bâillonne, on la censure, on tente de la noyer dans le désinfectant, de
l’étouffer dans la glace.
…Moi je veux lui laisser élever sa voix puissante et qu’elle chante, diva, à travers mon corps. Ce sera ma seule partenaire, je serai son seul interprète. Ne pas laisser perdre cette source de spectaculaire immédiat, viscéral ; me donner la mort sur une scène, devant des caméras… donner ce spectacle extrême, excessif de mon corps en décomposition, jour après jour, éclaté sous le feu, étalé, cloué, exposé, mimant le supplice des cents morceaux dans un jeu de masque chinois. »