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14 septembre 2008

Implant mammaire

La chirurgie esthétique remodèle l’Espagne dans les grandes largeurs

De notre correspondant à Madrid FRANÇOIS MUSSEAU

LIBERATION : samedi 13 septembre 2008

26 réactions 

«J’ai enfin les seins dont j’ai toujours rêvé», dit-elle dans un sourire, en bombant légèrement le torse. Noelia, une jolie Madrilène, attendait ce jour depuis longtemps : «Déjà, quand j’étais toute gamine, je me mettais des mandarines sous le pull pour avoir de la poitrine. Et puis, j’ai toujours envié ma grande sœur, qui fait du 95.» Ses parents ne voyaient pas d’objection à une opération chirurgicale, à condition qu’elle atteigne la majorité. Il y a quinze jours, alors qu’elle vient juste de souffler ses 18 bougies, Noelia passe sur le billard. Depuis des mois, elle avait tout préparé : le rendez-vous avec le chirurgien de la clinique Menorca, à Madrid ; le versement de 1 300 euros, économisés peu à peu, tout en sachant que la somme restante (3 500 euros) pourra être remboursée par mensualités. Dans son entourage, assure Noelia - qui se prépare à être policier -, l’augmentation de poitrine est devenue chose banale : «La plupart de mes amies l’ont fait ou pensent le faire.»

«Démocratisé». Implants mammaires en silicone, mais aussi liposuccions aux hanches ou aux jambes, abdominoplasties (ventre), rhinoplasties (nez), traitements faciaux… La chirurgie esthétique fait des ravages en Espagne, pays où l’engouement pour la «remodélation du corps» (l’expression utilisée dans ce secteur) bat tous les records européens. D’après la Société espagnole de chirurgie plastique, réparatrice et esthétique (Secpre), 400 000 opérations auraient eu lieu en 2006, et la progression annuelle serait de 8 %. Soit quatre fois plus qu’il y a dix ans. De même source, 80 000 ampoules de Botox ont été vendues l’an dernier.

A l’échelle mondiale, l’Espagne n’est précédée que par les Etats-Unis, le Mexique et l’Argentine. «Désormais, quelle que soit l’imperfection corporelle, on pense à la modifier au bistouri. Cela s’est beaucoup démocratisé», dit-on au Secpre. C’est même devenu un objet de consommation comme un autre. A preuve, depuis 2007, les opérations de médecine et de chirurgie esthétiques font partie des produits référencés servant à calculer l’IPC, l’indice des prix à la consommation.

Blouse verte, enturbanné d’un foulard rouge, le docteur Angel Martin Hernandez, qui dirige la clinique Menorca(une des leaders parmi les 70 cliniques de Madrid), dit crouler sous les demandes. Son cabinet est couvert d’innombrables photos de célébrités (actrices, tennismen, joueurs du Real Madrid…), dont on suppose qu’elles sont passées par ses mains. Pourtant, l’essentiel de ses patients sont des jeunes filles anonymes. «Jusqu’ici, je m’occupais surtout de femmes d’âge moyen, qui accourent ici après une grossesse, ou une séparation», souligne-t-il. Le boom, désormais, concerne avant tout les jeunes - voire les très jeunes - Espagnoles. Selon la branche nationale de la Société internationale de chirurgie plastique et esthétique, l’Isaps, 40 % des opérations concernent des filles de moins de 21 ans désireuses d’augmenter le volume de leurs poitrines. «C’est une authentique folie», souligne Miguel Chamosa, de l’Isaps. De quoi assurer la prospérité à de nombreuses cliniques, dont le leader du marché, Corporacion Dermoestetica, qui affichait l’an dernier un bénéfice net de 1,17 million d’euros. Sans compter que les hommes, portés surtout, jusqu’ici, sur l’épilation au laser, représentent désormais un patient sur cinq.

Pourquoi une telle frénésie ? Professionnels et sociologues avancent divers facteurs : la forte hausse du pouvoir d’achat depuis quinze ans, l’américanisation de la société, la perte d’influence de l’Eglise, l’effet d’une mode galvanisée par les médias, un culte du corps renforcé par l’irruption de la culture latino (la majorité de la population immigrée). «Et puis il faut dire que les techniques se sont considérablement améliorées et les nouveaux implants mammaires sont totalement sûrs», poursuit le docteur Martin Hernandez.

Tour-opérateurs. Ce chirurgien établit une nette distinction entre deux types de jeunes patientes. D’un côté, celles qui veulent se faire opérer pour des raisons psychologiques. «Des filles qui présentent une asymétrie mammaire ou qui sont plates et ont honte d’aller à la piscine ou sur une plage.» Et, de l’autre, celles qui se présentent par pur caprice. «C’est telle fille qui veut faire plaisir à son fiancé, celle qui a l’obsession de ressembler à une actrice, ou celle qui n’a pas de poitrine et veut faire du 105. Cette catégorie-ci, je refuse de traiter», confie Martin Hernandez. «De toute façon, il y aura toujours un chirurgien pour le faire, confie un autre praticien. Il faut bien comprendre que pour beaucoup de femmes, c’est une priorité.».

Cela marche, et tant pis si les opérations n’ont rien de bon marché - environ 5000 euros pour un implant mammaire, 6000 euros pour une liposuccion complète. Le prix ne devant pas apparaître comme un obstacle, les cliniques s’adaptent, en offrant des crédits longue durée. Quant aux adolescentes, beaucoup se voient offrir leurs seins gonflés… par leurs parents, à l’occasion d’un anniversaire. A la clinique Menorca, on s’inquiète cependant de la brutale crise économique dans le pays. Et on se doute que le tourisme de la chirurgie esthétique va en bénéficier. Déjà, nombre de tour-opérateurs proposent des voyages organisés vers des cliniques de Bolivie, Colombie ou Argentine, où le coût d’une opération de chirurgie esthétique peut être jusqu’à trois fois moins cher.

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Commentaires
E
merci pour ce blog tout cela donne à réfléchir!
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