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24 août 2008

Tourisme de transplantation

Mobilisation contre le "tourisme de transplantation"

Pour la première fois de leur histoire, les principales sociétés savantes médicales directement impliquées dans la pratique des greffes d'organes viennent de condamner solennellement une série de pratiques contraires à l'éthique observées dans de nombreux pays - en particulier, le "tourisme de transplantation". L'OMS estime que ce commerce d'organes, qui prospère sur des vides juridiques ou sur la corruption, représentait, en 2005, environ 10 % de l'ensemble des transplantations rénales pratiquées dans le monde.

Le numéro de septembre du mensuel de la puissante Société américaine de néphrologie publiera un texte qui reprend pour l'essentiel celui de la "Déclaration d'Istanbul sur le trafic d'organes et le tourisme de transplantation", rédigé, en mai, par 150 représentants gouvernementaux et responsables médicaux et scientifiques à l'initiative de la Société internationale de transplantation (TTS) et de la Société internationale de néphrologie. Partout dans le monde, les sociétés scientifiques et médicales concernées adoptent cette déclaration, alors que la communauté médicale spécialisée ne s'était jusqu'à présent guère manifestée sur ce sujet sensible.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait lancé une initiative proposant, depuis 2005, un programme visant à contrecarrer le développement de réseaux internationaux et commerciaux de prélèvements et de transplantations. "Le phénomène se développe depuis le milieu des années 1990, avec la reconnaissance croissante des avantages thérapeutiques des greffes d'organes et grâce aux progrès des médicaments immunosuppresseurs, de plus en plus efficaces pour éviter le rejet de l'organe transplanté", précise-t-on à l'OMS.

Le "tourisme de transplantation" voit des personnes souffrant d'insuffisance rénale en quête d'un rein et des chirurgiens greffeurs se déplacer dans le seul but d'effectuer une transplantation aux dépens de personnes le plus souvent très pauvres et acceptant de vendre l'un de leur rein. Les "cours" varient selon les pays : en Afrique du sud, un donneur de rein rémunéré touchera 700 dollars (470 euros), en Inde, 1 000 dollars (670 euros), en Moldavie 2 700 dollars (1 800 euros), en Turquie entre 5 000 et 10 000 dollars (3 400 ou 6 800 euros), et plus de 30 000 dollars (20 200 euros) aux Etats-Unis, selon des chiffres présentés à une réunion de l'OMS en 2006. Les intermédiaires se rémunèrent grassement : en Colombie, la transplantation d'un rein prélevé sur un cadavre est proposée à 80 000 dollars (54 000 euros), indique encore l'OMS.

Les chirurgiens qui participent à de tels trafics sont généralement bien connus de leurs pairs. Certains circuits sont bien identifiés, comme celui qui voit des Brésiliens aller se faire prélever un rein en Afrique du Sud, avant que leur organe soit greffé sur des malades Israéliens. Israël vient cependant d'interdire le remboursement par les assurances de ces frais de "tourisme médical" et espère progresser vers l'autosuffisance en encourageant le don de personnes décédées.

L'Assemblée mondiale de la santé, structure qui réunit tous les Etats membres de l'OMS, s'était saisie pour la première fois de ce sujet délicat en 2004. Elle avait adopté une résolution soulignant que la transplantation était une activité chirurgicale spécifique, qui ne devait pas s'inscrire dans une relation médecin-malade mais être considérée comme un service de la communauté pour la communauté. A ce titre elle devrait être placée sous le contrôle des gouvernements. La résolution de 2004 demandait à l'OMS de fédérer le combat contre de telles pratiques. Quatre ans plus tard, l'adoption de la Déclaration d'Istanbul témoigne d'une évolution notable de la situation.

Le 13 août, lors du 22e congrès de la Société internationale de Transplantation, organisé à Sydney, Huang Jiefu, vice-ministre chinois de la santé, a ainsi confirmé la création dans son pays d'un réseau national de don d'organes. Il associera la Croix-Rouge chinoise et les autorités de santé. Il a aussi annoncé la promulgation prochaine d'une loi sur la définition de la mort par critères neurologiques, tout en évoquant l'objectif de l'abolition de la peine de mort qui, jusqu'en 2007, fut une source importante de commercialisation de greffons.


"On commence heureusement, progressivement, à accepter l'idée, à l'échelon international, que les organes humains ne sont pas des pièces détachées, que nul ne peut mettre un prix sur un organe destiné à sauver une vie, observe le docteur Luc Noël, coordinateur de l'unité "Procédures cliniques" à l'OMS.

Cette évolution ne saurait faire oublier que c'est la pénurie des greffons disponibles dans les pays industrialisés qui est pour l'essentiel à l'origine de ces pratiques. A Chypre cependant, la solidarité îlienne conduit à un très fort taux de dons entre vivants, tandis que l'Espagne dispose d'une quasi autosuffisance grâce aux prélèvements sur donneurs décédés. En France, l'urgence est de développer ceux-ci sur les personnes en situation de mort cérébrale : plus de 13 000 malades sont en attente d'une greffe d'organe et, en 2007, on a recensé 231 décès dus à l'absence de greffons disponibles.

Jean-Yves Nau

http://www.lemonde.fr/sciences-et-environnement/article/2008/08/22/mobilisation-contre-le-tourisme-de-transplantation_1086726_3244.html

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