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21 avril 2008

Bettina Rheims

Bettina Rheims,
la femme sans fard

De notre envoyée spéciale à Berlin Valérie Duponchelle
31/03/2008 | Mise à jour : 10:17 |

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«Breakfast with Monica Bellucci», novembre 1995, Paris. © Bettina Rheims, courtesy galerie Jérôme de Noirmont, Paris
«Breakfast with Monica Bellucci», novembre 1995, Paris. © Bettina Rheims, courtesy galerie Jérôme de Noirmont, Paris

En 95 portraits de femmes souvent à la nudité frontale, osée et froide, l'artiste française séduit Berlin.

Silence d'église dans la vieille poste qui est devenue le Centre de la photographie à Berlin (1). À l'angle de Oranienburger Straße et d'Ecke Tucholskystraße, le hall de C/O est grand ouvert au vent du nord, mais la fièvre monte vite à l'intérieur. Chauffage facultatif, malgré toute cette chair déshabillée jusqu'au grain de la peau, toute ­cette féminité scrutée par l'objectif d'une femme, tous ces grands formats glacés et parfois glaçants. Les créatures mises à nu par la ­Française Bettina Rheims apportent le piquant subversif de Sex and the City aux Berlinois en tenue de randonneurs, couples écolos, sportifs et sages, presque studieux devant cet érotisme sans fard « made in Paris ».

« La Môme Oscar » interdite

Cinq ans avant Casino de ­Scorsese, Sharon Stone croque les diamants à pleines dents dans une pose sans équivoque qui laisse présager d'autres proies. Bébé star en 1989 à Deauville, Vanessa Paradis essuie avec ennui sa bouche trop rouge comme une Lolita maquillée par Nabokov. Encore toute jeune Mexicaine à la conquête de ­Hollywood en 1996, Salma Hayek pleure comme une morveuse en retroussant sa petite robe d'été. Sosie de la pin-up blonde ­d'American Beauty, la top model suisse Julie Ordon pose, bouche rouge et draps blancs, pour Chanel en 2006. Maîtresse de son image glacée comme Churchill de ses discours, Kristin Scott Thomas ôte la perruque ­blonde qui couvre ses cheveux bruns strictement tirés, juste métaphore des artifices du glamour.

Il faut aller jusqu'à Berlin, avant l'ouverture de la Biennale (2), pour voir Marion Cotillard incarner « la sublime joueuse de billard », bottes de motarde en cuir noir et lingerie soyeuse, dont la main experte se tord pour retenir une boule vert poison. Ce portrait inhabituel de la « Môme Oscar » est interdit de reproduction dans la presse et ne sort qu'accompagné des autres 95 portraits de l'exposition (dans le catalogue ­Schirmer Mosel). Voilà pour les plus sages ! Les autres créa­tures de Bettina Rheims, photographe qui commença par être elle-même modèle, jouent de leurs corps avec l'impudeur naturelle et la force sauvage des panthères. «  C'est ce réalisme singulier, cette chair photographiée jusque dans ses recoins, ses défauts, ses abandons, cette audace aussi dans les thèmes et le traitement sculptural des formes, qui ont fait le succès de Bettina en Allemagne  », explique son galeriste parisien, ­Jérôme de Noirmont. Il est à l'origine de la rétrospective qui a parcouru en deux ans neuf villes d'Europe, de Moscou à Helsinki, de Rotterdam à Vienne et Lyon. Les musées allemands ­(Berlin, DG Bank et Musée d'art moderne à Francfort), les collectionneurs privés et leurs fondations (Olbricht à Essen, Hovermann à Lippstadt) abritent déjà l'œuvre de cette Française à deux doigts du blasphème (série I.N.R.I. vue à Paris à la MEP). Le public berlinois croit parfois allemande à cause de son nom celle qui réalisa le portrait officiel de Jacques Chirac en 1995.
(1) « Can you find happiness ? », jusqu'au 11 mai au C/O Berlin, www.co-berlin.com. « Just like a woman », du 30 mai au 16 juillet à Paris, Galerie Jérôme de Noirmont.
(2) Du 5 avril au 15 juin. www.berlinbiennale.de.

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