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24 juillet 2007

Obscénité, pornographie et censure

Les mises en scène de la sexualité et leur (dis)qualification : obscénité, pornographie et censure (XIXe–XXIe siècle)

Journées d’études. 18-19 avril 2008. Université Libre de Bruxelles (ULB)


Résumé

Ces journées d’études souhaitent s’attacher aux processus de qualification et de disqualification de certains contenus et produits culturels comme « pornographiques » ou « obscènes », et préciser les logiques et les évolutions de ces processus depuis le XIXe siècle jusqu’à la période contemporaine. Interroger ces processus revient à réfléchir à l’articulation entre les normes relatives à la sexualité et à son expression, les représentations de la sexualité et les pratiques sexuelles, supposées ou réelles. Plusieurs thématiques peuvent être creusées dans cette perspective.


Annonce

L’obscénité et la pornographie ont progressivement été constituées comme objets de sciences sociales à part entière –bien qu’encore sans doute marginaux. Le regard académique ou savant s’est déplacé, d’un jugement extérieur vers des études de ces formes de production culturelle en tant que telles. Elles ne sont ainsi plus abordées exclusivement sous un angle normatif, inscrit dans une opposition binaire entre anti-censure / anti-pornographie, mais donnent lieu à des travaux visant à préciser la diversité et l’histoire de leurs caractéristiques, leurs conditions de production et de diffusion, leurs usages[1].


Un tel renouvellement des approches ne doit cependant pas conduire à évacuer des réflexions sur l’obscénité et la pornographie la question de la censure. Comme les éclairages historiques le montrent[2], l’obscénité et la pornographie renvoient en effet non à une essence de certaines formes de mise en scène de la sexualité mais à la qualification (morale, religieuse, juridique, littéraire…) qui en est faite par les acteurs sociaux d’une époque, d’un pays. L’enjeu de cette qualification est le plus souvent d’établir le bien fondé de leur libre circulation ou au contraire la nécessité de l’encadrement de leur production et de leur diffusion. La censure, sous ses différentes formes, est donc un des critères mêmes de définition de la pornographie et de l’obscénité.

Ces journées d’études souhaitent s’attacher à ces processus de qualification, à leurs logiques et à leurs évolutions, depuis le XIXe siècle jusqu’à la période contemporaine. Interroger ces processus revient à réfléchir à l’articulation entre les normes relatives à la sexualité et à son expression, les représentations de la sexualité et les pratiques sexuelles, supposées ou réelles. Plusieurs thématiques peuvent être creusées dans cette perspective.

Comment sont produites ces (dis)qualifications ? Ces classements sont le fruit de mobilisations et de luttes dont il importe de saisir les enjeux et les acteurs. Qui se mobilise pour qualifier un livre ou un film d’obscène, pour dénoncer les méfaits de la pornographie ? Et de quelles manières ? Inversement, quels sont les groupes ou les catégories qui vont contester la pertinence de ces catégories, de leur application ou des modalités de leur mise en œuvre ? Les entrepreneurs de cause en la matière sont nombreux et porteurs de revendications et de positions souvent diverses (ligues de moralité, experts de sciences sociales et médicales, acteurs politiques, mouvements féministes, producteurs et diffuseurs –notamment les éditeurs). La diversité de ces acteurs donne à voir la pluralité des enjeux qui s’attachent à la pornographie et l’obscénité : outre celles de la sexualité et de la morale, d’autres frontières se jouent ici (culturelles, scientifiques, politiques…). C’est dans ces mobilisations et leurs confrontations que les (dis)qualifications émergent et s’imposent et que les limites se dessinent entre le « condamnable » et le « tolérable », entre la « pornographie » et « l’érotisme », entre le « mauvais goût » et le « bon goût ».

Quelles sont les justifications données à ces (dis)qualifications ? Des contenus ont ainsi pu être condamnés en raison de leur simple existence (blasphème, débauche) mais aussi au nom de leurs effets sur le public et la société (atteintes aux bonnes mœurs, démoralisation). La question, classique, des effets de la pornographie peut ici être revisitée de manière féconde. Il ne s’agirait pas ici d’évaluer la réalité de ces effets mais d’étudier la place que la croyance en leur existence a occupé et occupe dans les mobilisations et les débats sur le contrôle des mises en scène de la sexualité.

Quels sont les dispositifs qui les incarnent ? Selon les contextes et les objets considérés, le contrôle des produits obscènes ou pornographiques peut prendre des formes très variées : simples dénonciations rhétoriques, dispositifs législatifs, « listes noires », publications de prescription / proscription, « enfers », etc. Le choix de ces formes et les modalités de leur mise en œuvre sont à préciser.

Quel est l’impact de ces censures ? Le contrôle exercé peut se traduire de diverses manières : disparition ou adaptation des contenus, contournement et jeu sur les registres (par exemple, les publications revendiquant une démarche médicale ou historique, sociologique), appropriation des étiquettes et retournement des stigmates (le label X comme argument commercial). Cette question est alors aussi une façon de réintroduire des considérations sur les contenus pornographiques dans l’analyse : les mises en scène de la sexualité sont aussi le produit des contrôles exercés sur elles.

Les processus et catégories discutés ici sont historiques. Leur compréhension passe aussi par la mise en évidence de leurs évolutions. Les catégories de pornographie et d’obscénité ont ainsi connu des glissements sémantiques (élargissements et déplacements), qui ne témoignent sans doute pas uniquement des évolutions technologiques. Des transformations macro-sociologiques ont contribué à banaliser et généraliser certaines formes de mise en scène de la sexualité. Les importations et réappropriations d’imageries considérées comme pornographiques sont nombreuses (publicité, art contemporain, cinéma d’auteur). Quelles en sont les implications sur ces catégories et sur les dispositifs de contrôle qu’elles fondent ? Ces évolutions seront étudiées sur la période allant du XIXe siècle à nos jours.

Ces mises en perspectives historiques peuvent être complétées par d’autres approches comparatistes. En ce sens, les propositions de communication pourront par exemple porter sur des comparaisons entre situations nationales ou entre supports médiatiques (écrit, audiovisuel, Internet…).

Enfin, ces journées souhaitent être pluridisciplinaires et nous encourageons les propositions des chercheurs de toutes les disciplines.

Les propositions de communication seront envoyées au plus tard le 31 octobre 2007. Elles ne dépasseront pas une page et seront accompagnées d’une brève présentation de l’auteur-e. Les propositions doivent parvenir à l’adresse suivante : meonjm@yahoo.fr

Pour plus d’informations sur le Groupe « Genre, normes et sexualités », consulter la page : http://www.ulb.ac.be/droit/dchd/normes_genre_et_sexualites.html



[1] Feona Attwood, « Reading Porn : The Paradigm Shift in Pornography Research », Sexualities, 5(1), 2002, p. 91-105. Voir par exemple : Linda Williams, Hardcore : Power, Pleasure, and the “Frenzy of the Visible”, Berkeley and Los Angeles, Californie, University of California Press, 1999 [1989] ou Pamela Church Gibson (ed.), More Dirty Looks. Gender, Pornography and Power, London, British Film Institute, 2004 [1993].

[2] Voir notamment : Walter Kendrick, The Secret Museum. Pornography in Modern Culture, Berkeley and Los Angeles, Californie, University of California Press, 1996 [1987] ; Annie Stora-Lamarre, L'enfer de la IIIe République, Censeurs et pornographes (1891-1914), Paris, Editions Imago, 1990 ; Joan de Jean, The Reinvention of Obscenity. Sex, Lies, and Tabloids in Early Modern France, Chicago, University Press of Chicago, 2002, ; Jean-Christophe Abramovici, Obscénité et classicisme, Paris, PUF, 2003.

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