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27 février 2007

Lydia Lunch

Lydia Lunch
Paradoxia,
Journal d'une prédatrice

[Le Serpent à Plumes, 1999]

Lydia Lunch  © Richard Kern SOIGNER LE MAL PAR LE MÂLE

Réduire la fracture, qu'elle soit sociale ou corporelle, c'est généralement ce que politiciens et chirurgiens proposent de faire. Pas Lydia Lunch qui choisit d'ouvrir la sienne, d'écarter les lèvres de la plaie.

Abusée sexuellement par son père, elle décide de soigner le mal par le mâle. Paradoxia : pour résorber la lésion, il faut la rendre béante. Prédatrice : insatiable, elle se lance dès ses plus jeunes années dans une quête infinie de baise et de haine. Elle nous entraîne dans un maëlstrom d'humeurs malades et de secrétions corrompues, noyées dans de massives doses de vodka. Avec, pour décor, la toxicité des bas fonds new-yorkais. A faire passer Virginie Despentes pour une institutrice revêche de Sainte-Croix-de-Neuilly à l'approche de la retraite.

Accumulant les traumatismes et les souillures, victime consentante de la violence des hommes, Lydia Lunch retrace dans cette autobiographie son chemin de pénitence. Pénitence qui d'ailleurs passe par le plaisir quelle donne et reçoit, tour à tour sado et maso, grande instigatrice de l'Ordre de la luxure. On ne peut même plus parler d'exhibitionnisme à ce stade avancé de la confession mais de catharsis publique, dans laquelle le lecteur tiendrait malgré lui le rôle de confident muet devant ces scènes de mutilations mêlées à des éclairs de jouissance absolue, quasi tantrique. On pourrait refermer ce livre insoutenable après cinq ou dix pages, comme ces spectateurs quittant la salle pendant la projection du Salo de Pasolini pour aller vomir aux toilettes. Mais on s'accroche. Pour voir jusqu'où elle va nous conduire. Pour éprouver notre capacité à endurer l'horreur minutieusement relatée. Et parce que c'est foutrement bien écrit. Parce que Lydia Lunch, dont c'est le premier livre, n'est pas qu'une icône trash. C'est aussi une grande artiste que la pratique boulimique et protéiforme du médium artistique - films, lectures, performances - a conduit à collaborer avec des personnalités aussi diverses, si ce n'est leur attrait commun pour la déviance, que Richard Kern, Sonic Youth, Nick Cave ou Henry Rollins.

D'où la nécessité de se frotter à la matière rugueuse de ce roman, qu'Hubert Selby Jr - dont Last Exit to Brooklyn nous emmenait déjà très loin sur les territoires de la haine de soi et de l'entropie - qualifie de "livre extraordinaire" .

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