Corps et politique
http://www.lsp.umontreal.ca APPEL DE CONTRIBUTIONS NUMÉRO 59 - Corps et politique – Printemps 2008
Que le monde social célèbre certains usages du corps comme voie d’accès au bien-être, ou qu’il en critique d’autres comme autant d’abus ou de dérives corporelles, que la place du corps dans les sociétés contemporaines soit portée aux nues comme signe de la civilisation ou qu’elle soit vilipendée comme marqueur de l’individualisme ou de l’égoïsme, force est de constater l’exacerbation des discours sur le corps et la reconfiguration des liens entre corps et société. Enjeu moral, enjeu social, le corps est aussi un enjeu politique. On sait en effet, au moins depuis les travaux de Michel Foucault, qu’il ne s’agit pas d’opposer l’espace des corps — comme règne de l’individuel, de l’intime ou du privé — à l’espace collectif, officiel, et public, du lien social ou du politique. Bien au contraire, le corps apparaît aujourd’hui comme un objet social et politique, et c’est ce que ce numéro de Lien Social et Politiques souhaite interroger.
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(1) Le corps comme enjeu explicite ou implicite des politiques publiques
Le corps peut tout d’abord constituer un objet explicite pour des politiques qui le ciblent, comme dans le cas des législations en matière de contraception, de harcèlement sexuel, de handicap, de bioéthique ou de santé publique. Un intérêt particulier peut être accordé aux politiques de prévention et à leur volonté de régulation ex ante des destins corporels (par exemple en ce qui concerne l’obésité ou le tabagisme), et notamment aux nombreuses initiatives menées dans l’espace scolaire pour promouvoir certains usages “ sains ” du corps aux détriments d’autres. Le corps peut également être le levier d’action d’un certain nombre de politiques qui, pour ne pas constituer explicitement des politiques corporelles, ne s’en exercent pas moins sur, et par les corps. Des politiques de sécurité aux politiques d’éducation, de la parité à la discrimination positive, de la question du voile à l’école à celles de la prostitution, de la défense des droits de l’enfant, ou de la maltraitance, il pourrait s’agir de montrer en quoi ces politiques utilisent, régulent et gouvernent les corps, et ce faisant engagent des gestions publiques de leur diversité sociale. (2) Le corps comme objet de régulations et de normes
Enfin, la “ politique des corps ” (body politics) ne se limite pas aux politiques dont il est l’objet ou qui en font usage (body policies). La tâche revient alors aux sciences sociales de retracer les dispositifs diffus et éclatés de cette politique des corps et de mettre en lumière le rôle particulier de régulation joué par certains acteurs (au premier rang les médecins, mais on peut également penser aux professionnels du psychisme, des médias, aux scientifiques, aux travailleurs sociaux…) dont le lien avec l’État est parfois plus qu’indirect. Dès lors, il s’agit d’identifier les dimensions culturelles et identitaires associées à cette médiation par le corps dans les liens sociaux. Un tel élargissement des politiques aux normes corporelles et à la réflexion éthique pourrait permettre d’observer les phénomènes, parfois ambivalents, de valorisation ou de stigmatisation qui s’attachent à certains types de corps ou à certains usages qui en sont faits. Par quels processus sociaux et politiques les corps sont-ils définis comme déviants ou normaux ? Comment s’élaborent ensuite les réactions sociales et politiques aux déviances ainsi identifiées (corps handicapés, souffrants, corps vieillissants, corps étrangers, corps obèses…), la neutralisation ou l’exclusion des corps hors-normes, mais aussi, dans certains cas, la célébration ou la revendication de leurs écarts à la norme et de leur différence ? Les articles proposés doivent s’inscrire dans l’un ou l’autre de ces axes et, autant que faire se peut, à mettre au centre de leur propos une réflexion sur corps, lien social et politique(s). Les propositions d’articles doivent être adressées à : Muriel Darmon
Université de Lyon muriel.darmon@univ-lyon2.fr Roch Hurtubise
Université de Sherbrooke roch.hurtubise@usherbrooke.ca ou Anne Quéniart
Université du Québec à Montréal queniart.anne@uqam.ca