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23 août 2006

Cicciolina/ Libération 21 aout 06

Bêtes de sexe 1/5

http://www.liberation.fr/transversales/portraits/199506.FR.php

Candidate aux érections

La Cicciolina, 54 ans, ex-actrice porno et star de la politique italienne. Pour obtenir la paix elle n'hésite pas à proposer ses services à Saddam Hussein, Ben Laden et George W. Bush.

Par Marc SEMO

QUOTIDIEN : Lundi 21 août 2006 - 06:00

Elles sont partout. Sur les canapés blancs et les fauteuils ou sur les rebords des baies vitrées donnant sur la terrasse. Des dizaines de peluches de toutes les tailles et de toutes les teintes, des blanches, des roses, des bleu clair. «Je n'arrive à en jeter aucune et je dois en avoir entre deux cents et trois cents. C'est encore maintenant le cadeau qui me fait le plus plaisir», explique Ilona Staller qui, non sans humour, se définit comme «une incorrigible romantique» . Elle est en jean et à peine maquillée. Une quinquagénaire souriante, bien foutue et bien dans sa peau, qui nage tous les jours et fait de la gymnastique pour garder la forme. Volontiers, elle se met au clavier du grand piano blanc demi-queue trônant au milieu du salon du penthouse au dernier étage d'un immeuble de l'Olgiata, très résidentielle banlieue de Rome. Nuvolo («nuage»), un beau chat persan gris, se faufile au milieu du capharnaüm de peluches et de bibelots. Dans une pièce du fond, Ludwig, son fils adolescent, joue sur une console vidéo. Le quotidien banal d'une mère divorcée un peu bobo. Le nom de Staller ne vous dit rien ou pas grand-chose. Celui de «Cicciolina», si. En Italie cela signifie peu ou prou «la petite chérie».

Avec ses grands yeux bleus et ses lèvres pulpeuses, cette fille de l'Est, née au bord du Danube, reste en effet un symbole universellement connu du porno de la fin du siècle dernier. Poupée platinée jouant de son physique d'éternelle adolescente, elle se vantait de pouvoir faire simultanément l'amour à trois femmes, ou à cinq hommes : un devant, un derrière, un dans la bouche et les deux autres à la main. Dans ses spectacles, elle se masturbait avec divers objets et se laissait caresser par un python dressé. «Ma seule limite était un refus absolu du sang et de la violence», explique Ilona, encore très fière d'avoir «repoussé toujours plus loin les frontières de ce que l'on appelle le sens commun de la pudeur» . Elle devint une icône de la transgression. En Italie et ailleurs. Laïque libertaire, le leader du petit Parti radical, Marco Pannella, la présenta sur ses listes électorales. Après une campagne menée tambour battant et seins à l'air, elle fut triomphalement élue en 1987 au Parlement et y resta une entière législature. Au nom du «droit à l'amour», elle proposa sans succès des lois pour une éducation sexuelle à l'école ou pour instaurer des «zones d'intimité» dans les prisons. Elle se revendique toujours plutôt de gauche, mais libérale-libertaire.

La Cicciolina reste une célébrité. Après septembre 2001, elle proposa de passer une nuit avec Ben Laden pour qu' «il arrête sa terreur et sa tyrannie» . La nouvelle fut reprise par toutes les agences. Elle fit une proposition similaire à Saddam Hussein avant la guerre d'Irak. « Je suis prête aussi à une nuit d'amour avec George Bush si cela peut mettre fin au carnage», lance, bonne fille, Ilona, qui s'est toujours revendiquée «pacifiste», genre «flower power» des années 70. Depuis une dizaine d'années, elle a changé de style. Elle organise des spectacles érotiques softs dans les discothèques, danse et chante des textes qu'elle écrit contre les violences sexuelles, les drogues ou les ravages du sida. Mais elle y parle aussi de l'amour et des anges. Elle a ses fans, pas seulement des quinquas graveleux et nostalgiques. Une exposition intitulée «Ilona renaissance» (en français dans le texte), présentée dans une très chic galerie romaine, la montre sur des photographies raffinées de Gianfranco Salis. A demi nue, elle pose avec de grands chapeaux et des dentelles dévoilant un corps aux formes encore somptueuses. Le talent du photographe et de possibles interventions de chirurgie esthétique n'expliquent pas tout.

«J'ai toujours réussi à passer au milieu des flammes sans me brûler», susurre la Cicciolina. Cette fille d'un fonctionnaire du ministère hongrois de l'Intérieur a réussi à échapper aux «Organes», c'est-à-dire aux services secrets, comme on les surnommait dans le défunt bloc socialiste. Après avoir étudié la musique et la danse, elle travaillait à la réception d'un grand hôtel de Budapest. Un matin de l'été 1969, le directeur lui annonce que «trois messieurs» veulent la voir. «Ils m'ont proposé de sortir avec des Occidentaux de passage afin de savoir ce qu'ils venaient réellement faire en Hongrie», raconte Ilona, qui, à chaque fois, recevait de ses agents traitants une prime de 75 dollars. Beaucoup de ces businessmen, le plus souvent allemands, lui proposent le mariage. Finalement, elle cède aux avances d'un Italien, pas très beau et apparemment pas très riche, mais «qui était si gentil car il offrait des fleurs des champs» . Elle obtient un passeport et part pour Milan. En fait, l'élu de son coeur est un quasi-chômeur vivant dans un studio sordide d'une lointaine banlieue. Elle divorce. Et elle jure avoir aussi complètement divorcé des services hongrois dès son arrivée sur le sol italien. «Cela aurait été beaucoup trop dangereux de continuer», explique-t-elle. Deux ans plus tard, elle reçoit une lettre piégée qui, miraculeusement, fait long feu.

A Milan puis à Rome, elle commence à gagner sa vie en posant pour des photos. Obstinée, plutôt douée et peu farouche, elle conquiert ses entrées à la télé, devenant ce que les Italiens appellent une «soubrette», tout à la fois animatrice et danseuse dans des émissions de variétés. Un jour de 1974, alors qu'elle pose pour Playmen, elle rencontre l'homme qui change sa vie : Riccardo Schicchi, photographe ambitieux et fou de porno. Ensemble, ils inventent la Cicciolina. Le concept: «cristalliser tous les fantasmes des hommes comme des femmes», explique Ilona, rapidement rejointe dans «l'écurie» de Schicchi par la douce Moana Pozzi. Il n'est plus question pour elle de se montrer à la télévision publique. Mais les premières radios privées viennent de naître et elle anime de nuit un talk-show hard sur Radio Luna. C'est le succès. Et les procès en série pour «outrage à la pudeur». Elle devient un symbole. Le fameux sculpteur pop américain Jeff Koons, héritier des provocations warholiennes, se laisse fasciner. Une série d'oeuvres intitulées «Made in heaven» (fait au paradis) la montre faisant l'amour avec lui. Il l'épouse en 1991 et ils ont un enfant, Ludwig. Mais le mariage ne dure guère plus d'un an pour s'achever dans d'interminables procédures judiciaires.

Parmi ses ex-collègues du porno, beaucoup sont morts, fauchés par le sida ou par d'autres maladies, dont son alter ego Moana Pozzi. Elle a su se préserver au physique comme au mental. «Dans mon immoralité, j'ai toujours conservé une moralité. Hors spectacle, je n'ai jamais couché avec un homme pour de l'argent, et je ne me suis jamais droguée», se justifie la Cicciolina qui a toujours su ce qu'elle voulait. En 1993, elle prend le risque d'aller récupérer son fils donné en garde à Jeff Koons par un juge d'outre-Atlantique, et de le ramener clandestinement en Italie. Depuis, il vit avec elle et l'ex porno-star sait se montrer une mère attentive. « Dans les moments difficiles, j'ai le yoga et surtout ma foi. Dieu m'a toujours aidée», explique Ilona Staller, qui se veut profondément catholique, comme sa mère. Elle n'hésite pas à aller se confier à Don Adriano, le curé du quartier. Il faut être une bonne catholique pour avoir le sens de la transgression. Dans son penthouse, Ilona Staller écrit désormais ses mémoires. Une nouvelle version. Celle où elle dit tout.

éphotos Lorenzo Pesce

La Cicciolina en 6 dates 26 novembre 1951 Naissance à Budapest d'Ilona Staller. 1971 Arrivée en Italie. 1976 La Cicciolina naît sur Radio Luna. 1987 Elue au parlement italien sur les listes du Parti radical. 1991 Mariage avec le sculpteur Jeff Koons. 2006 Exposition à Rome : «Ilona renaissance».

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