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3 janvier 2006

La planète échangiste par D. Welzer-Lang, Payot 05

Daniel Welzer-Lang, 2005, La planète échangiste. Les sexualités collectives en France, Payot.

Le livre se présente comme le recueil de paroles avant, pendant et après les rencontres sexuelles si bien que «  l’objet sociologique qui se cache derrière «  ces lieux publics de sexualité en directe » est à construire (p.501). L’échangisme serait un des terrains de la transformation  de la domination masculine, même si l’enquête révèle aussi son maintien dans les représentations et dans les pratiques de drague. Le maintien d’une posture de noviciat » un ordre théoriquement temporaire » (p.524) se situe « entre le dedans et le dehors, déjà intitié-e-s mais pas encore expérimenté-e-s ».

La position «  d’individus-frontières » d’une marge par rapport au milieu échangiste ne garantit pas l’objectivité mais assure une «  interconnaissance » nécessaire pour travailler : « Apprendre à jouer sur un terrain qui n’est pas le nôtre, le mien mais le leur, en essayant, non pas d’abolir les frontières entre moi et l’autre – qui souhaiterait ici cette vie machiste ou de femme bijouïfiée ? – mais d’y mettre de l’altérité. La question du jeu renvoie à la posture méthodologique. Qu’est-ce que je fais ici ? Pourquoi suis-je ici ? Qu’ai-je le droit de faire ? Quelles sont mes limites d’autant plus quand la sexualité, le désir, les corps sont au centre de la problématisation du terrain » (p. 536).

_changiste

L’ambiguïté du terrain, et du livre se trouve dans l’émergence de l’objet où être un homme et une femme place chacun et chacune de l’équipe de recherche dans une critique du sexisme et l’androcentrisme. Une visibilité d’équipe «  Couples Contre le Sida » dans le milieu naturiste du Cap d’Agde pose le problème analysé par Michel Bozon : celui des limites de l’observation participante pour une activité qui est «  inaccessible à l’observation » car «  dans ce domaine il n’y a d’observation qu’indirecte et médiate »[1]. Si l’absence de débat méthodologique entre les rares chercheurs/euses français manque aujourd’hui,  Didier le Gall propose de remplacer voyeur par scopophile[2] pour ces objets intimes de recherche.

La construction du terrain avec une vidéaste, ici nommé Béatrice, pour former le couple-cheval de Troie et les notes en Annexes ( notamment (p. 554-555) montre bien la différence de genre dans le vécu des publics selon la hiérarchie, le sexe, la posture adoptée par les hommes ou les femmes de l’équipe de recherche. Le soupçon pèse, comme le rappel Alain Giami[3], par la complicité qu’il y aurait entre objet et sujet de recherche, révélant un manque de légitimité : le couple chercheur/chercheuse est partenaire sur tout terrain et devient support de projection, le reste concerne la disposition personnelle, absente ( ou occulté ?) dans le livre.

Car même si le terrain accorde une véracité et une authenticité aux témoignages recueillis, tout est ici un récit sur des pratiques plutôt qu’une description de ce qui se fait dans les pratiques et actes corporels. Que voit-on de la «  réalité » , si celle-ci existe ? Peux t-on comparer ce qui est dit de ce qui se fait ?


[1] Bozon M., 1995, Observer l’inobservable : la description et l’analyse de l’activité sexuelle, dans N. Bajos, M. Bozon, V. Dioré, Y. Souteyrand,eds, Sexualité et Sida, recherches en Sciences sociales, Paris, ANRS, p. 39-56.

[2] Le Gall D., 1997, Sociologie, scopophilie et intimité, MANA, Revue de sociologie et d’anthropologie, n°3, p ; 9-17.

[3] Giami A., 1999, Cent ans d'hétérosexualité. Actes de la Recherche en sciences sociales. 128, pp. 38-45.

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