Les attitudes envers la sexualité et l’homosexualité aux Pays-Bas
Conférence de Gert Hekma
Professeur de sociologie à l'Université d'Amsterdam
Pro-Gay, Anti-Sex
Les attitudes envers la sexualité et l’homosexualité aux Pays-Bas
Vendredi 2 Avril à 14h 30
Introduction par Alain Giami (Directeur de recherche Inserm)
Inserm / Batiment Pincus
Hôpital de Bicêtre / 78 rue du Général – Leclerc – 94278 Le Kremlin Bicêtre
Métro : Le Kremlin Bicêtre (Ligne 7)
En Hollande, la politique envers l’homosexualité présente des aspects originaux et intéressants. D’un côté, les gays et les lesbiennes ont obtenu tous les droits civils et sont dans une situation d’égalité avec les hétérosexuels. De l’autre côté, la question de son acceptation sociale, qui n’est pas encore totalement accomplie reste toujours posée.
Dans des enquêtes réalisées en population générale, 90-95% des répondants déclarent clairement accepter les gays et les lesbiennes, mais, en même temps, on note que 45% déclarent ne pas tolérer que deux hommes s'embrassent dans la rue, contre 37% lorsqu'il s'agit de deux femmes et moins de 10% lorsqu'il s'agit d'un homme et d'une femme. Selon une opinion très répandue, l’acceptation sociale des homosexuel/les ne serait pas totalement réussie parce que les musulmans, ou plus généralement, les minorités ethniques et culturelles rejettent les gays et les lesbiennes. Il est évident qu’il y a là un problème. Selon certains observateurs, ces groupes auraient plus fréquemment des opinions négatives sur les homosexuel/les que les autres Néerlandais. Selon d’autres observateurs, le problème ne peut être réduit aux questions de religion ou d'ethnicité : de nombreux Néerlandais restent plus ou moins anti-homosexuels. De plus, les différences de pouvoir n’ont pas changé entre les homos et les hétéros parce que si les gays et lesbiennes sont acceptés, ils restent toujours marginalisés et font face à des attitudes de rejet et de discrimination. Les gays ne sont pas considérés comme ‘authentiques’ car ils dérogent aux rôles de genre qui imposent aux hommes de se présenter comme masculins, hétérosexuels et modérés dans leur sexualité. Cette critique est moins claire dans le cas des lesbiennes. Selon les lois de genre, les homosexuels sont acceptés à la condition qu’ils se comportent de façon ‘normale’ en n'étant ni trop visibles, ni trop sexualisés ni trop efféminés.
La politique s'est donc bien emparée de la question homosexuelle depuis longtemps. Dans le passé, ce sont surtout les socialistes et les libéraux de toutes tendances qui ont soutenu l’émancipation homosexuelle. Depuis 2001, l'extrême droite supporte aussi les gays et les lesbiennes – ce qui a créé une situation politique inédite. A l’inverse, le soutien de la gauche aux homosexuels s'est affaibli afin de ne pas perdre le soutien politique des minorités ethniques et culturelles qui votent massivement pour la gauche.
Mais il y un autre aspect. Bien que les homosexuels bénéficient d'un soutien politique, d’autres sexualités ne sont pas considérées comme égales aux autres et sont de plus en plus rejetées : il s'agit de la prostitution, la zoophilie, la pédophilie, les relations hétérosexuelles traditionnelles et le SM. Tout un ensemble de nouvelles lois sont apparues en Hollande pour sanctionner ces pratiques. Dans le passé, la sexualité était inscrite dans la ‘nature’, comme une relation entre deux pôles opposés, alors que actuellement c'est l’égalité qui est devenue la nouvelle norme ‘naturelle’. C’est pour ça que le mariage homosexuel est si bien accepté, mais pour cette même raison les autres sexualités sont de moins à moins acceptables. Bien qu’on vise à une certaine égalité sexuelle, on croit toujours néanmoins qu’il y a des différences entre les hommes et les femmes qui sont inscrites dans la nature : les hommes seraient ainsi plutôt du coté ‘sexuel’ et les femmes du coté "amoureux". Du côté des femmes, celles qui aiment trop le sexe sont désignées comme des ‘putes’, et du coté masculin, ce sont les 'folles' qui dévient dans leur genre plutôt que dans leur sexualité qui sont méprisés. L’insulte parallèle à celle de ‘folle’ n’est pas "lesbienne", mais ‘pute’. Tout cela développe une perspective sur la sexualité en faisant apparaître une nouvelle norme sexuelle : monogame et privée, combinant sexualité et amour, avec une égalité de genre mais aussi une différence sexuelle entre les genres qui est pensée comme naturelle, identitaire et rarement alimentée par une curiosité pour l’autre, et deux sexualités acceptables (hétéro et un peu moins, homo). Cette situation a peu à voir avec une ‘démocratie sexuelle’ (Béjin 1990) ou une ‘citoyenneté intime’ (Plummer 2003). Et en plus, la question se pose vraiment de savoir si une sexualité égalitaire donne plus de plaisir ou peut même se réaliser avec toutes les différences sociales de classe, race, richesse, beauté, préférence érotique (Sinfield 2004). L’égalité sexuelle qui est poursuivie en Hollande est pro-gay mais continue d’être puritaine et sexiste.
Gert Hekma est professeur associé à l’université d’Amsterdam où il donne des cours et fait des recherches sur l'(homo)sexualité et les genres. Il est actuellement chercheur invité à l'Inserm (CESP – U 1018 Equipe : Genre, santé sexuelle et reproductive).
Voir : home.medewerker.uva.nl/g.hekma
--
Alain Giami
Directeur de recherche
INSERM - CESP - U1018 Eq 07
82, rue du Général Leclerc
F - 94276 Le Kremlin-Bicêtre Cedex
Téléphone : 33 1 45212289
Email : alain.giami@inserm.fr