« Attention, conscience, conscience de soi
Centre
National de la Recherche Scientifique
Ecole
Normale Supérieure - 45, Rue D'Ulm, 75230 Paris Cedex 05
Umr 8547 - Pays Germaniques: Histoire, Culture, Philosophie:
Transferts
Culturels - Directeur: Michel Espagne
Archives-Husserl
- Directeur: Jocelyn Benoist
Phénoménologie de l’attention III
« Attention, conscience, conscience de soi »
organisées par les Archives-Husserl (Paris)
sous la responsabilité de N. Depraz
Calendrier des activités
(2009-2010)
lundi 16 novembre (17h-19h)
samedi 30 janvier 2010 (10h-13h ; 14h30-16h30)
samedi 29 mai 2010 (10h-13h ; 14h30-16h30)
Présentation
Dans
le prolongement des années précédentes, consacrées respectivement (2007-2008) à
la relation entre attention et perception (sur la base de la lecture du volume
XXXVIII des Husserliana, intitulé Perception et attention), puis
(2008-2009) à la relation entre l’attention conjointe, l’intersubjectivité et
l’inter-attention à la croisée de la phénoménologie, de la psychologie
expérientielle/expérimentale et de la philosophie de l’esprit, les journées de
cette année s’attachent à explorer les modalités de la relation entre
l’attention et la conscience, en faisant droit, notamment, aux phénomènes de la
conscience de soi, de la prise de conscience, de la conscience dite pré-réfléchie,
de la vigilance, de la veille et de l’éveil.
Pour
construire un espace structuré de discussions autour de cette problématique à
la fois centrale et complexe, nous souhaitons mettre à profit des ressources
émanant de trois champs complémentaires, à même de générer, du fait de leur
mise en présence, de nouvelles questions voire de nouvelles données :
l’approche phénoménologique, dans sa dimension tout à la fois historique
(notamment le Husserliana consacré
aux Etudes sur la structure de la
conscience, en cours d’édition) et expérientielle, l’approche
neuroscientifique en troisième personne, l’approche psychologique, tout à la
fois cognitive et en première personne.
Notre
hypothèse de base, concernant le lien entre attention et conscience, se déploie
sur trois axes : d’une part, il s’agira d’interroger la co-extensivité
(parfois assumée tacitement, parfois questionnée, mais jamais explicitée) entre
conscience et attention ; d’autre part, il convient, à la lumière de
l’expérience attentionnelle, de revenir sur l’identification entre conscience
(de soi) et réflexion, y compris pour interroger le concept de
« pré-réfléchi » ; enfin, corrélativement, il s’agit de se
pencher sur l’intérêt d’une entente dynamique, processuelle de l’attention en
termes de devenir-attentif et de ses liens possibles avec le phénomène de la
prise de conscience.
Dans
chacun des cas, un croisement des méthodologies, en première, deuxième et
troisième personnes semble offrir un cadre pluriel heuristique à tester, et ce,
pour vérifier dans quelle mesure de nouveaux concepts et de nouvelles données
peuvent en émerger.
Programme
1) Lundi 16 novembre, 17h-19h, ENS, 46
rue d'Ulm, Salle de Conférences
Conférence de Shaun GALLAGHER
Professeur
en philosophie et sciences cognitives à Florida University,
Professeur
invité au Centre de recherches en épistémologie appliquée (CREA)
Coordination and co-constitution in joint attention
Abstract I argue
against the idea that joint attention requires the psychological coordination
of attention, conceived as a coordination of mental states or propositional
attitudes. Coordination in joint attention is better characterized in terms of
embodied interaction. I'll use a number of examples to make the case, including
examples from developmental and empirical studies and the phenomenology of
football. Finally, I'll discuss the notion of participatory sense making
as the shadow of the transcendental -- that is, as a naturalized version of
Husserl's transcendental intersubjective constitution of meaning.
2) Samedi 30 janvier 2010, ENS, 45, rue
d’Ulm, Salle Cavaillès
10h-13h
Natalie Depraz, Ouverture de la journée : « Conscience,
attention, réflexion : le problème du pré-réfléchi »
Peter Hobson, « Self- and other consciousness: A perspective from
autism »
Claire Petitmengin, « La
micro-dynamique pré-réfléchie de l'expérience »
14h30-16h30
Pierre Vermersch, « L’attention entre phénoménologie et
psychologie : un parcours, des questions »
Dieter Lohmar, « Attention
on the self in non-linguistic modes »
3) Samedi 29 mai 2010, ENS, 45, rue
d’Ulm, Salle Cavaillès
10h-13h
Natalie Depraz, Ouverture de la journée :
« Devenir-attentif, prendre conscience : synthèse passive et
dynamique pré-attentionnelle »
Lionel Naccache, « Neurophysiologie de la prise de conscience :
des indices pour revisiter quelques concepts de la Phénoménologie ? »
Hanne Jacobs, « Vigilance dans la nuit : Affection, attention et conscience de soi »
14h30-16h30
Eduard Marbach, « Sur la relation entre l’attention et la conscience,
en particulier eu égard à la conscience d’imagination »
Karl Mertens, « Ascription
and Attention. Towards a Phenomenology of Action »
Résumés de la
journée du 30 janvier 2010
Natalie Depraz, Ouverture de la journée : « Conscience,
attention, réflexion : le problème du pré-réfléchi »
Poids de l’acte réflexif à titre de composante
définitionnelle de la conscience, vis-à-vis de quoi la dynamique attentionnelle
est le plus souvent écartée en vertu de son marquage essentiellement
empiriste ; rôle fondamental de l’acte perceptif
comme basse continue où peut simplement venir se greffer le vécu
attentionnel. Tel est le paysage standard des relations entre réflexion,
perception et attention dans la phénoménologie de Husserl. Est-ce le premier et
le dernier mot de ce dernier ?
Je voudrais montrer qu’il
y a davantage chez Husserl, y compris très précocément, à savoir dans les
années autour des Recherches logiques,
que cette présence marginale ou latérale de l’attention, au mieux adossée à la
perception, ou pire, critiquée depuis la réflexion. En ménageant dès 1904-1905
un contraste net avec la perception et, plus encore, avec la réflexion, le
phénoménologue ouvre la voie à une interrogation critique de fond sur l’usage
du terme « pré-réfléchi » pour qualifier le processus de la dynamique
attentionnelle inhérent à l’émergence graduelle de la conscience.
Peter Hobson (Tavistock Clinic and University College, London) :
« Self-
and other-consciousness: A perspective from autism »
In this presentation, we shall consider the
nature and development of human interpersonal engagement and
awareness. We shall draw upon research in the field of autism, in
order to highlight features of self- and other-consciousness, including
phenomena of joint attention, that might otherwise be overlooked. We shall
suggest that the specifically human propensity to identify with the attitudes
of others gives rise to radically new forms of self/other-consciousness and
co-consciousness.
Claire Petitmengin (Centre de recherche en épistémologie
appliquée) « La
micro-dynamique pré-réfléchie de l'expérience »
Nous nous intéresserons à
une dimension profondément pré-réfléchie de notre expérience vécue, qui semble
jouer un rôle essentiel dans la genèse d'une compréhension, d'un sens. A partir de plusieurs exemples, nous
explorerons les caractéristiques structurelles de cette dimension, qui semblent très différentes de celles de notre
expérience ordinaire. Notamment, la distinction entre un espace
"intérieur" et un espace "extérieur", entre un sujet
percevant et un objet perçu, et entre les différentes modalités sensorielles, y
est beaucoup plus perméable que dans l'expérience dont nous sommes
habituellement conscients. Nous nous
intéresserons également aux micro-opérations pré-réfléchies que nous réalisons
pour entrer en contact avec cette dimension, ainsi qu'à la mise en disposition
attentionnelle qui permet d'en acquérir une conscience réfléchie. Ces
investigations nous amènerons à nous interroger sur la pertinence du terme
"pré-réfléchi".
Pierre
Vermersch (CNRS) : « L’attention entre phénoménologie et
psychologie : un parcours, des questions »
Depuis une
dizaine d’années, j’ai produit plusieurs articles sur l’attention, étudiée dans
l’œuvre de Husserl, puis plus largement dans la perspective d’une psychologie
en première personne (www.expliciter.fr,
en page d’accueil dossier Attention et phénoménologie). La traduction récente
du recueil « Phénoménologie de l’attention » de Husserl (Vrin, 2009)
et l’introduction détaillée de N. Depraz qui la présente renouvellent un
certain nombre de questions : un programme de recherche sur l’attention
est-il possible en phénoménologie ? A quelles conditions une
phénoménologie de l’attention est-elle réalisable ? Quelles questions de recherche
sur l’attention ? Quelles méthodes pour y répondre ? L’étude en
première personne du vécu attentionnel peut-elle produire une phénoménologie de
l’attention ?
Dieter Lohmar (Universität zu
Köln) : « Attention on the self in non-linguistic modes »
The
broader context of my discussion is an investigation in non-linguistic modes of
representing objects their properties, present and future events, their
relations and all other important elements of our relation to the world which
we live in. Non-linguisitic modes of representations are to be found in humans
in the modes of daydreaming using scenic phantasma together with feelings to
represent cognitive, evaluative and volitive objects (and events). It is highly
probable that we are also able to find this non-linguistic modes of thinking in
higher animals. This programm includes also the search for non-linguistic modes
of self-awareness. If we interpret a reflective intention on myself as based on
the use of the conceptual means of language, then we link self-consciousness
exclusively to the ability to conceive myself as an "I". This
high-level acess to the relation of a living creature to itself is often
confronted and relativized by forms of low-level acquaintances with myself in
non-reflective modes like in feeling myself and experiencing the kinaesthetic
aspects of my movements. In contrast, non-linguistic modes of self-awarenenss
and self-attention form a kind of selfstanding medium-level acess that may
point out to have partly characteristiques of the reflective attitude and
partly of the non-reflective givenness of the ego. The aim of my contribution
is to establish some central elements of this medium-level part of the story of
our selfconsciousness. This will be done in phenomenological acess by interpreting
important elements of our scenic-phantasmatic life also taking into concern
research in developmenta psychology and modern primatology.
Résumés de la
journée du 29 mai 2010
Natalie Depraz (Université de
Rouen/Archives-Husserl/CREA), Ouverture de la journée :
« Devenir-attentif, prendre conscience : synthèse passive et
dynamique pré-attentionnelle »
Pour décrire précisément la
prise de conscience comme un « devenir-attentif », on dispose du côté
de la phénoménologie comme des neurosciences de ressources remarquables,
non-nécessairement symétriques ni homogènes d’ailleurs, mais qui dessinent une
cartographie assez fascinante, car les deux niveaux d’analyse sont à même, ici,
de se générer mutuellement l’un l’autre : ainsi, pour commencer, la composante
que l’on dira provisoirement et de façon générique « processuelle »
se nomme en phénoménologie « synthèse passive » et en neurosciences « cécité
inattentionnelle » : elle met au jour un niveau de conscience situé
en deçà de la référence à l’objet, et non-nécessairement corporel, même si le
corps peut en donner une indication ; puis, la composante
« temporelle », que l’on appréhende en phénoménologie en termes de
genèse rétentionnelle et protentionnelle, et en neurosciences dans le cadre
émergentiste de l’apprentissage implicite, qui n’est seconde que pour des
raisons d’exposition ; enfin, la composante émotionnelle, qui se décline
en termes phénoménologiques comme « plaisir »,
« affection » et « affect », et se formule en neurosciences
sous l’expression d’une « facilitation », « potentiation »
ou « enhancement » de l’attention (perceptive) par l’émotion. Ces
trois composantes dessinent les contours d’une configuration co-ordonnée qui
permet de mieux saisir comment la processualité de l’expérience attentionnelle
est structurée, dont je voudrais m’attacher à évaluer les ressources
respectives, et où l’héritage philosophique historique, y compris dans ses
enjeux critiques internes, et la situation expérimentale et épistémologique
contemporaine peuvent ici plus qu’ailleurs faire véritablement alliance.
Lionel Naccache (INSERM/CEA), « Neurophysiologie de
la prise de conscience: des indices pour revisiter quelques concepts de la
Phénoménologie ? »
Il est désormais
possible de suivre avec une résolution temporelle assez fine la dynamique des
activations cérébrales qui accompagnent la prise de conscience d’un objet
visuel. La présentation de ces résultats, et de leurs interprétations, nous
conduit ainsi à donner une nouvelle intelligibilité au concept de « représentation
», à revisiter ses relations avec celui de conscience, et à relire celui d’«
intentionalité » dans sa formulation la plus naïve, c'est-à-dire que la
conscience est indissociable de son contenu.
Hanne Jacobs (Université de Leuven), « Vigilance
dans la nuit : Affection, attention et conscience de soi »
Dans un
manuscrit de 1921, Husserl écrit : «Aber sicher ist doch dies, dass
Selbstbewusstein und abgegrenztes Erlebnis notwendig zusammengehen, nur wo
abgehobene Erlebnisse <sind>, da ist auch das Ich da.» (Hua XIV, 53) et il attribue
cette pensée à Leibniz. Quelle est la relation entre relief affectif, prise de
conscience attentive, conscience de soi et présence de l’ego? Comment une
description du phénomène de l’affection et celui de l’attention peut éclaircir
la différence entre l’état de veille, le sommeil sans rêve, et la conscience du
rêve ? L’élaboration phénoménologique de ces questions nous montre non
seulement comment la phénoménologie confirme un aspect de la théorie
Leibnizienne de l’attention et de l’apperception, mais aussi comment elle
implique une critique sur une analogie favorite de Leibniz, à savoir celle
entre l’inconscient et le sommeil.
Eduard Marbach (Universität zu Bern) : « Sur la relation entre l’attention et la conscience,
en particulier eu égard à la conscience d’imagination »
Selon
Husserl, pour toute expérience intentionnelle le mode de « vivre
dans » (« Darinleben ») cette expérience ou de la
« performance » (« Vollzug ») de cette expérience se
distingue avant toute réflexion, au plan de la conscience pré-réfléchie .
Ce mode équivaut à l’attention actuelle sur
l’objet de cette expérience, et dès les Idées
de 1913, Husserl désigne ce mode de conscience par l’expression
« cogito », lui attribuant par ce fait même une relation particulière
au ‘je’.
Dans
cet exposé, quelques réflexions seront d’abord présentées concernant la
relation entre l’attention et la forme de conscience du « cogito » en
général. Ensuite quelques-unes des questions qui se posent seront approfondies
et différenciées moyennant une analyse détaillée de différents modes de
« vivre dans » la conscience d’imagination et de diverses manières
d’être attentif actuellement ou quasiment, en tant que performant actuellement
l’acte d’imagination ou en tant qu’étant attentif « dans »
l’imagination.
Karl Mertens (Würzburg Universität) « Zuschreibung und Aufmerksamkeit. Überlegungen zu einer Phänomenologie des
Handelns » bzw. « Ascription and Attention. Towards a Phenomenology
of Action »
Is a person responsible for what she does? Is that what she does a kind
of simple behaviour or a specific action? When answering such questions we
usually employ the concept of intention. Due to its central role in our
every-day language about action the concept of intention is the leading concept
for the analysis of action in the contemporary philosophical theory of action.
– The paper will focus on the constitutional genesis of the concept of
intentional action.
I will argue that every determination of a specific action as well as our
linguistic references to someone’s intention is based on a social situation of
communication. The speech of actions and intentions is the result of
ascriptions (as H.A.L. Hart has pointed out). This insight can be gained from
an ordinary language approach.
In addition, a phenomenological approach to the theory of action deals
with the conditions and presuppositions of ascriptions which are socially
acceptable. In this respect, I should like to show first that ascriptions of
actions and intentions must be adequate to the behavioural structure of what
someone is doing; and second that what is ascribed is also an object of a
specific attention which is concerned with what it is like to be an actor who
could possibly perform this action.