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15 avril 2010

Trichologiques

                                   

 

                                        
      
 
                              

      

       
      
 

                   Trichologiques : Une anthropologie des cheveux et des poils

"Dans la première des six contributions, joliment intitulée « Trichologiques », Christian Bromberger livre les premiers résultats d’une vaste étude sur les « langages de la pilosité » entamée il y a plusieurs années. Mobilisant une documentation considérable, qui n’ignore aucun continent ni aucune époque, C. Bromberger conduit le lecteur, au fil des terrains qu’il a lui-même parcourus, des vertus énergisantes de la pilosité – véritable « complexe de Samson » – des footballeurs contemporains,
http://i.dailymail.co.uk/i/pix/2008/07/21/article-1037000-004A2D0B00000578-778_468x468.jpg

aux représentations politiciennes de la barbe du révolutionnaire caspien Mirzâ Kouchek Khân et à la petite « révolution » que constitue l’épilation précoce des sourcils des jeunes Iraniennes sous la République islamique. Cet inventaire donne lieu à quelques rappels salutaires – « d’une culture ou d’un contexte à l’autre, les mêmes signes peuvent recouvrir des significations opposées » (p. 12), d’où « la difficulté qu’il y a à élaborer une « trichologie » générale où, à chaque signe pileux, correspondrait une signification invariante » (p. 13) – et, déjà, à quelques conclusions : « Partout, l’apparence pileuse trace une frontière entre soumis et insoumis » (p. 17). Confrontant ensuite les attitudes des religions du livre quant à la pilosité (corps, barbe et moustache), C. Bromberger y trouve, comme pour les prescriptions alimentaires (alcool, porc), « des différences qui forment système », plus précisément « un système d’oppositions réciproques » (p. 18) – grille d’analyse qui s’applique également, comme il le montre enfin, au cas des Aïnous « trichophiles » et des Japonais « trichophobes ».
http://syrena.elte.hu/irodalomtudomany/pic/antonietta-gonsalvus-1255-mid.jpg

      

3Au total, la pilosité témoigne de propriétés signifiantes dans quatre registres principaux. 1) Elle informe sur le genre. À cette fin, la plupart des cultures ont tendance à creuser les différences pileuses entre les sexes – le « lisse féminin », le « dru masculin » – que la nature a posées ; cet « ordre naturel » a souvent été brutalement rappelé par les autorités étatiques, religieuses ou même médicales ; à l’inverse, les refus de s’y conformer correspondent à des gestes de rupture par rapport aux normes de la sexualité (tonsure ecclésiastique, coiffure « à la garçonne ») ou à des châtiments (tonsure des femmes adultères) ou encore à « une marque des temps contemporains où les codes apparaissent brouillés, crépusculaires et où une logique optionnelle semble prévaloir sur une logique normative » (p. 29). 2) La pilosité classe les individus en fonction des statuts sociaux, des appartenances ethniques. Ce langage apparaît particulièrement riche en Afrique et dans certaines parties de l’Amérique : coiffures « afro », dreadlocks, ou, à l’inverse, défrisage des cheveux crépus ou encore adoption des coiffures « rasta » par de jeunes Blancs. Là encore, « adopter par sympathie ou par fantaisie l’apparence de l’Autre – ne fût-ce que temporairement – est devenu une option prisée, mais naguère impensable, dans un monde globalisé où s’offre à l’individu une palette de choix contrastés pour se construire une image » (p. 35). 3) La pilosité situe par rapport à l’ordre du monde et ses marges. Elle permet de « symboliser une expérience spirituelle ou un rapport singulier au sacré : les ascètes, les ermites, les possédés, les chamanes, les magiciens (tel Merlin) se différencient du commun des hommes de religion par leur échevèlement [sic] ou par le rasage intégral de leur crâne » (p. 35). Inversement, « la domestication du poil marque, dans les mythes comme dans les représentations de l’histoire, la transition vers l’humanité et vers la civilisation » (p. 38). 4) La pilosité informe sur l’esthétique dominante : « L’analyse des styles pileux ne doit pas cependant se borner à l’inventaire descriptif des modes qui se sont succédé mais s’intégrer dans le champ plus large d’une histoire des tendances esthétiques. Il y a de profondes affinités entre l’art de façonner ses poils, celui de cultiver son jardin ou celui de décorer sa maison » (p. 39)."

Christian Bromberger et al., Un corps pour soi
      

Paris, PUF, 2005, 151 p., notes bibliogr., ill. (« Pratiques physiques et société »).

      

Jean-Pierre Digard/ L'Homme
http://lhomme.revues.org/index2439.html

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