"Canal+ aborde la question de
S'il faut qu'une chaîne privée et cryptée (Canal+) (p)ose
la question de l'homosexualité dans le sport, cela situe déjà assez
bien le débat. Canal, créateur de la nuit gay dont elle a diffusé en
2009 l'antépénultième édition, consacre ce soir (20h50) un prime time à ce tabou carrément planétaire. Et c'est là le grand mérite de documentaire de Capa "Sports et homosexualités : c'est quoi le problème".
Bon, on sent bien dans le film de Michel Royer qu'il oscille entre
trois aspects (historique, révélation ou coming out avec celui de la
footballeuse Marinette Pichon et sociétal). Sans jamais vraiment
trancher. Mais qu'importe.
Car ce doc' brosse la question de
l'homosexualité dans le sport de façon assez large, avec un ton plutôt
distancié et bien vu. En clair, il se regarde agréablement. J'adore le
recul de Fabrice Picon, président du club de football Paris Arc en Ciel
: « Parfois dans le milieu gay, on n'est pas les meilleurs exemples de
tolérance. » Ce décalage plein d'humour renvoie finement à la
difficulté du coming out. Une pratique désormais un peu plus courante
mais pas encore franchement naturelle. Cela dit, le dernier exemple en
date, celui d'Olivier Rouyer dans les colonnes de « l'Equipe Mag », en
février 2008, bat un peu en brèche cette idée reçue. Va-t-on vers une
normalisation voire même une banalisation de la question gay et
lesbienne dans le sport ? J'ai plutôt tendance à le croire si l'on se
réfère au passé. Par exemple, au déluge médiatique enduré par Amélie
Mauresmo en 1999 lorsqu'elle révéla son orientation sexuelle au risque
d'atténuer ses accomplissements sportifs. J'étais de cette conférence
de presse surréaliste dans un restaurant parisien. Amélie y répondit
bien cent fois aux mêmes questions : "Oui", elle mesurait les
conséquences de son coming out. "Non", elle ne souhaitait pas devenir
une icone de la communauté gay et lesbienne. En 2002, dans l'excellente
émission "En aparté" de Pascale Clark sur Canal+, elle consentit
qu'elle ne procéderait sans doute plus de façon aussi "brute". Je
garderai éternellement en mémoire la vision de ces confrères rangés en
file indienne tous venus entendre la même chose. Singulière procession
médiatique.
Comme le scande en
un vœu pieux Matthew Mitcham, plongeur australien champion olympique en
2008 à Pékin, dans ce documentaire «Je souhaite que la question de la
sexualité ou de l'homosexualité n'ait plus aucune importance ».
De
cette heure et demi plutôt foisonnante, je suis tout de même ressorti
avec deux légers regrets. Pourquoi la question des photos sportives et
des calendriers gay-friendly reste traitée de façon assez
impressionniste ? Par petites touches ? Vous me direz, le concept de la
« Metro sexualité », chère à l'Américaine J. Walter Thompson et remis
au goût du jour par le football David Beckham, hétéro et véritable
icone gay, mérite à elle seule un documentaire.
D'autre part,
j'aurais aimé entendre Max Guazzini. Le calendrier annuel imaginé par
le président du Stade Français, un rendez-vous incontournable devenu
best seller, a sans doute plus oeuvré pour la compréhension du
phénomène homosexuel dans le sport, de l'homosexualité tout court, que
toutes les chartes signées à la va vite sur un coin de table. De même,
son long chemin pour installer les maillots bigarrés des
rugbymen parisiens méritait un décryptage. Imposer le rose comme code
couleur de référence dans le milieu ultra machiste du rugby demeure un
accomplissement hors norme. Ces tuniques appartiennent aujourd'hui au
domaine commun, mieux, elles symbolisent la "branchitude" de
l'ovalie. Mais replongez-vous un instant 15ans en arrière...
Tout
cela posé, ces remarques formelles n'amenuisent pas les qualités de ce
documentaire. Car, comme me le serinait un vieux prof de philo : poser
les questions, c'est déjà parfois y répondre ..".
Auteur: Bertrand-Régis Louvet
http://blog.leparisien.fr/brl-tv/2010/01/canal-pose-la-question-homosexuelle-dans-le-sport.html
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