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31 janvier 2010

e nu dans l’art moderne canadien, 1920-1950

LE NU : Dans l'art moderne canadien, 1920-1950

LE NU

Dans l'art moderne canadien, 1920-1950
M.H.R., le 16 novembre 2009

Nus couchés, debout, assis, entremêlés au paysage ou à l’atelier. Poses provocantes, émouvantes... mais plus encore, le nu comme sujet de nouvelles aventures formelles. Le nu qui sort de la tradition académique, qui s’avance dans des voies plus audacieuses. Le Nu, une grande exposition synthèse qui dévoile l’histoire de ce genre méconnu de l’art moderne au Canada.

Nu_Nude/Adrien Hébert, Nu, Nude vers 1923_National Gallery of Canada, Ottawa
Nu_Nude/Adrien Hébert, Nu, Nude vers 1923_National Gallery of Canada, Ottawa

Le nu dans l’art moderne canadien, 1920-1950 réunit quelque 130 peintures, sculptures, photographies, estampes et dessins. Au total, 55 artistes sont représentés, dont Paul-Émile Borduas, Alex Colville, Prudence Heward et Edwin Holgate.

Le parcours de l’exposition offre à chacun l’occasion de vivre une étonnante expérience humaine à travers des œuvres en provenance de musées canadiens et de collections privées, regroupées en sept thèmes : Se libérer de la tradition, Variations sur le dos et le torse.  Le nu en plein air, La crise de l’image, L’artiste et le modèle, La vie contemporaine et la nudité et En temps de guerre. Le visiteur sera à même de constater, grâce à l’étendue et la variété des interprétations présentées dans l’exposition, que le nu a compté dans l’histoire de l’art moderne canadien. Une exposition captivante où l’art est mis à… nu.

Nu_Nude/Edwin H. Holgate, Intérieur_Interior, vers-about 1933_Art Gallery of Ontario, Toronto
Nu_Nude/Edwin H. Holgate, Intérieur_Interior, vers-about 1933_Art Gallery of Ontario, Toronto

Le nu dans l’art moderne canadien, 1920-1950 lève le voile sur le nu, un genre artistique méconnu. Pourtant, au cours des années 1920, 1930 et 1940, cette forme d’art immémoriale était abondamment pratiquée par les artistes canadiens. Ces derniers ont rendu subversive la représentation du corps humain en rompant avec les valeurs classiques du beau idéal pour explorer de nouvelles expressions plastiques.

Le Musée national des beaux-arts du Québec propose un parcours inédit au cœur de l’art moderne canadien, habituellement dominé par le paysage ou l’abstraction. Le Musée a voulu montrer comment nos artistes ont renouvelé le nu, notamment en tirant parti du modernisme européen et du réalisme américain, et comment ils se sont imprégnés des avancées de la photographie, de la danse et du sport. En ces temps de paradoxes où l’industrie du divertissement exploitait la nudité tandis que sévissait la censure, le sujet a ouvertement posé le défi de la liberté d’expression. En observant les œuvres, vous verrez défiler sur les murs une histoire des perceptions du corps humain qu’une époque a façonnées, affirmant aussi bien la réalité crue que les poésies de l’imaginaire.

Nu_Nude/Henry George Glyde, Elle était assise sur une colline dominant la ville, 1940_She Sat Upon A Hill Above the City, 1940_Gift-Don de Helen Collinson, 1981_Glenbow Museum, Calgary.
Nu_Nude/Henry George Glyde, Elle était assise sur une colline dominant la ville, 1940_She Sat Upon A Hill Above the City, 1940_Gift-Don de Helen Collinson, 1981_Glenbow Museum, Calgary.

Au Canada, le nu a évolué pour devenir un genre expérimental et rejoindre les idéaux du modernisme. Son caractère subversif s’affirmait à mesure que les explorations de l’imaginaire et de l’inconscient engendraient de nouvelles métaphores visuelles.

Pendant les années 1940, les artistes québécois puisent amplement dans ce monde intérieur et leur contribution nourrit les grands courants internationaux. Les corps qui émergent déstabilisent par leur étrangeté, leur attitude libertine ou leur mise en scène morbide. En 1948, les Automatistes publient le manifeste Refus global, portant une charge décisive contre les valeurs traditionnelles, l’immobilisme de la société et la dictature de la raison. Or, avant que leur chef, Borduas, se libère définitivement de la figuration pour embrasser l’abstraction, ses dernières œuvres se réfèrent à la nudité et sont fortement sexuées.

Nu_Nude/John Lyman, Jeune homme indolent, Indolent Youth about, vers 1922_MNBAQ, Québec
Nu_Nude/John Lyman, Jeune homme indolent, Indolent Youth about, vers 1922_MNBAQ, Québec

L’étude du nu, aussi appelée « académie », constituait un passage obligé dans la formation des artistes. Au Canada, les écoles d’art offraient depuis la fin du XIXe siècle des classes de dessin devant modèles vivants, ceux-ci étant généralement masculins et portant le pagne. Les étudiants trouvant cet enseignement insuffisant, ils le complétaient en organisant clandestinement des séances de pose avec des modèles véritablement nus.

Au-delà de l’exercice pédagogique, le nu d’atelier s’imposait comme genre à part entière. Il incarnait l’espace intime de la création. Certains artistes, comme Ernst Neuman et Pegi Nicol MacLeod, ont réalisé des autoportraits saisissants, sans pudeur, dans le dépouillement matériel et l’allégresse de la vie. Cependant, un nu n’est jamais banal et certaines œuvres ont choqué à l’époque. La censure a sévi devant la proximité des modèles et la crudité des corps sexués. Le réputé dessinateur Louis Muhlstock s’est révolté publiquement contre cette censure, proclamant le droit à la liberté d’expression.

Nu_Nude/Lionel LeMoine FitzGerald, Nu, Vers_Nude about  1929_Don en mémoire de Marjorie Brunton, Guyborough, Nova Scotia, 1999_Art Gallery of Nova Scotia, Halifax
Nu_Nude/Lionel LeMoine FitzGerald, Nu, Vers_Nude about 1929_Don en mémoire de Marjorie Brunton, Guyborough, Nova Scotia, 1999_Art Gallery of Nova Scotia, Halifax

Un monde sépare le « nu » de la « nudité ». En art, le nu correspond à un genre et on l’associe en général à un beau corps en santé, épanoui, remodelé par l’artiste dans une élévation de l’esprit. Quant à la nudité, elle désigne l’état de celle ou celui qui est dépouillé de ses vêtements et ce terme est en partie chargé du malaise que nous éprouvons devant une telle situation.

Les images de la nudité ont abondé entre 1920 et 1950, lorsque la culture populaire a commencé à s’imposer, notamment avec l’industrie du divertissement en pleine croissance. Dans cette fulgurante mouvance, la modernité désacralisait le vécu.

Ces profonds changements se reflètent dans l’art, qui resserre son rapport avec la réalité. Pour plusieurs artistes, la nudité permet d’exprimer une critique sociale et des visions progressistes. D’autres en profitent pour ironiser en offrant des spectacles irrévérencieux. L’aventure du nu moderne se caractérise aussi par le mélange des genres : la vie nocturne des cabarets et les scènes du quotidien côtoient les figures symboliques du grand art, incarnées dans des poses d’odalisque.

Les artistes de guerre ont bien documenté la participation canadienne aux deux conflits mondiaux qui ont marqué le XXe siècle. Leurs témoignages, aujourd’hui conservés au Musée canadien de la guerre, rendent compte non seulement de la dure existence des troupes au front, mais également d’épisodes de la vie militaire au quotidien.

Dans les services armés, la nudité crée un esprit de corps parmi des hommes provenant d’horizons différents et contribue à la cohésion des unités de combats. Le spectacle saisissant des hommes au bain, de C.W. Jefferys, célèbre la chair d’une manière sans précédent dans l’art canadien. Ces corps rappellent l’étude d’après modèle des ateliers académiques. Les effets de la force physique juvénile se mêlent à la vulnérabilité des hommes sous la surveillance d’observateurs vêtus, auxquels nous sommes inévitablement associés.

Pourtant, la guerre incite certains artistes à persister dans la représentation du nu féminin allongé pour dénoncer haut et fort l’indifférence au drame qui se joue en Europe et pour symboliser la déshumanisation de l’époque.

Nu_Nude/Ernst Neumann, Autoportrait nu_Portrait of the Artist Nude 1930_Gift of-de Mr. Claude Laberge, Musée d'Art de Joliette
Nu_Nude/Ernst Neumann, Autoportrait nu_Portrait of the Artist Nude 1930_Gift of-de Mr. Claude Laberge, Musée d'Art de Joliette

Au cours des années 1920, les artistes remettent en question les canons de la beauté idéale, incarnée depuis des siècles dans les représentations d’Apollon ou de Vénus. Peu à peu disparaissent les finis léchés et les corps lisses, sans traces de pilosité, pour faire place à une esthétique plus proche du réel.

L’ordre et l’harmonie rythment toujours les compositions, qui portent les accents de l’Art nouveau et de l’Art déco. Les corps nus se fondent dans l’environnement, ils en épousent les lignes et les lumières, tout en variant les effets sensuels des chairs.

Malgré des mises en scène au goût classique, des poses traditionnelles d’odalisque allongée ou debout en position frontale, les modèles affichent des signes de modernité. On reconnaît la garçonne des Années folles qui expose son corps athlétique, les cheveux courts et maquillée. Si le modèle féminin abonde toujours dans la première moitié du XXe siècle sur la scène artistique canadienne, les femmes artistes sont toutefois nombreuses à pratiquer le nu et à rénover son image.

Nu_Nude/Alexander Colville, Nu et mannequin-Nude and Dummy, 1950_Purchased from the artist, 1951, New Brunswick Museum, Saint John
Nu_Nude/Alexander Colville, Nu et mannequin-Nude and Dummy, 1950_Purchased from the artist, 1951, New Brunswick Museum, Saint John

La préparation de l’exposition a révélé une abondante iconographie liée au dos et au torse. Faut-il voir dans ce phénomène l’attachement des peintres au modèle d’atelier, dont ils avaient pris l’habitude pendant leur formation? Ou comprendre que la faveur qu’ils accordaient au dos était particulièrement encline à déjouer la censure?

En réalité, la tendance à présenter des corps morcelés prolongeait la tradition classique, qui consistait à travailler le dessin à partir de fragments de statues antiques. Cette pratique habituait les artistes à appréhender le nu non pas dans son intégrité, mais comme une somme de parties distinctes. De plus, l’apparition de la photographie offrait de nouvelles perspectives, la technique permettant de renouveler les découpages et de capter des géographies inédites du corps. Ces procédés ont favorisé le gros plan, ce qui met parfois le spectateur devant des images chargées de sexualité, à la limite de la provocation.

Nu_Nude/Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, Symphonie pathétique-Pathetic Symphony, 1925_Restauration effectuée par le Centre de conservation du Québec Musée national des Beaux-Arts du Québec, Québec
Nu_Nude/Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, Symphonie pathétique-Pathetic Symphony, 1925_Restauration effectuée par le Centre de conservation du Québec Musée national des Beaux-Arts du Québec, Québec

Le nu en plein air a inspiré de nombreux chefs-d’œuvre, depuis Giorgione au XVIe siècle jusqu’à Manet, Cézanne, Renoir, Picasso et Matisse, quatre siècles plus tard.

Au Canada, ce thème existe en marge de la peinture dominante du Groupe des Sept, dont les membres affirment leur modernité en se réclamant exclusivement de la nature. En 1928, le Montréalais Edwin Holgate se joint au groupe, mais humanise les paysages avec des nus qui traduisent les mouvements de cette vie sauvage. À la même période, la Torontoise Kathleen Munn fusionne les corps dans une nature indomptée, proposant un enchevêtrement de lignes et de rythmes cubistes qui créent un chaos expressif.

Comme ces artistes et plus encore, le Montréalais John Lyman se situe dans la mouvance française, avec son mythe d’une humanité en accord avec la nature, faisant écho à Matisse et à l’invitation au voyage de Baudelaire, quand « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».

www.mnbaq.qc.ca

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