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4 novembre 2009

Pour le moins

http://www.encre-marine.com/Resources/titles/29094100406300/Images/29094100406300L.gif


Il y a des matières dignes. Le bois - qui chez les Grecs anciens a même fini par donner son nom à "la matière" -, le fer, le roc, tous ces matériaux denses, stables, dotés d'arêtes vives et de contours nets. Mais l'indignité frappe les substances floues, dégradées, malaisées à situer : miettes, poudres, poussières. Négligées, ces sous-choses sont aussi méprisées. On en vient même à se demander si elles existent vraiment. Ont-elles une place dans la réalité ? Ne sont-elles que des ombres, mi-être mi-néant, presque rien ?

On aurait tort de croire que ce ne sont là seulement que des interrogations rhétoriques, de fausses questions, plus ou moins divertissantes, ou des curiosités d'esthètes. En effet, en suivant le parcours de François Dagognet parmi ces territoires délaissés, on s'aperçoit qu'il ouvre des voies importantes. Car ce philosophe qui parle clair, et figure parmi les plus originaux et les plus féconds de sa génération, n'a pas fini, à 85 ans, de surprendre son monde.

En s'attachant à l'analyse philosophique du minuscule, des substances diminuées, de l'ultrabanal, il dérange, mine de rien, la métaphysique. On comprend, en le lisant, que les granulats, les farines, le pulvérulent, toutes ces infra-matières faites de substances usées, émiettées, particulaires, ne sont pas seulement à réhabiliter. Elles ont aussi beaucoup à nous apprendre sur l'identité, la substance, l'être.

Il s'agit donc ici de bien plus que d'une réhabilitation de la poussière dans sa dignité, ce qui ne serait déjà pas inutile. En fait, Dagognet propose rien moins qu'une déflation drastique de toutes les classiques conceptions de la matière, qui se révèlent à la fois grandiloquentes, cosmiques et comiques. Le philosophe plaide pour l'infime et le minime, sachant combien ce choix est également riche de conséquences artistiques et esthétiques multiples. La phrase à retenir : "Le plus déterminant se situe dans le plus diminué."


POUR LE MOINS de François Dagognet. Encre marine, 126 p., 19 €.

Roger-Pol Droit

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