Croque mort
Une anthropologie des émotions
Les funérailles constituent un cadre social particulier avec ses règles et ses codes. Il y a le mort, la famille et ceux qui enterrent. Julien Bernard
a répondu à une offre d'emploi proposant d'être 'porteur de cercueil
pour les cérémonies funéraires'. C'est ainsi qu'il a fait profession de
croquemort au sein des pompes funèbres. Faisant parallèlement des études de sociologie,
il note au jour le jour son approche et la réalité de ce terrain à la
fois central et à part dans notre culture. Comment s'intégrer à une
équipe de travailleurs de la mort, comment, entre la compassion,
l'engagement, l'humour noir
et l'obligation au protocole, arrive-t-on à développer et à porter un
regard objectif sur cet étrange et nécessaire travail social qui se
constitue 'par le bas' grâce à des mécanismes de coordination effective entre les individus sociaux.
Depuis la rencontre des familles jusqu'à la tombe ou le crématorium en
passant par la délicate prise en charge des corps, ces professionnels
de la mort apprennent à gérer leurs émotions. Véritables grammairiens
du 'soutien', ces hommes qui nous enterrent sont aussi les metteurs en scène et les acteurs de nos funérailles durant lesquelles ils essaient de 'mettre en sens' la mort et de maîtriser la balance de l'énergie émotionnelle et collective que libère toute perte humaine.