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25 juin 2008

Greffe du visage

Par Soazig QUEMENER
Le Journal du Dimanche

>> Un an et demi après son opération, le deuxième Français greffé du visage s'est confié au JDD. "Je prends la parole pour les autres, pour donner de l'espoir", explique-t-il. Pascal était d'atteint d'une d'une forme de la neurofibromatose, la deuxième maladie génétique en France. Des tumeurs lui rongeaient la moitié du visage. Aujourd'hui, il vit comme un trentenaire presque comme les autres.

Il est venu tranquillement, en bus. Un voyageur parmi les autres. Bien sûr, en scrutant son visage, on voit qu'il est arrivé quelque chose à cet homme-là. Un accident de voiture, peut-on penser, loin de se douter que Pascal est, en France, la deuxième personne à avoir bénéficié d'une greffe partielle du visage.

Un an et demi après son opération, il a accepté de faire un détour par la rue François-1er, à Paris. Pour raconter sa nouvelle vie au micro d'Europe 1, puis au Journal du Dimanche. Sa voix est encore un peu étrange, pleine d'assurance, mais comme bridée par ses nouveaux muscles. "Je prends la parole pour les autres, pour donner de l'espoir", explique-t-il. Parce qu'à l'occasion de la Journée du don d'organe et de la greffe, aujourd'hui, il veut en inciter d'autres, comme la famille du donneur anonyme qui lui a offert son nouveau visage et sa nouvelle vie, à autoriser des prélèvements sur leurs proches en état de mort cérébrale.

A la différence d'Isabelle Dinoire, première greffée du visage au monde, opérée le 28 novembre 2005 par les équipes des professeurs Devauchelle et Dubernard (lire ci-contre), Pascal, 31 ans, qui préfère taire son nom de famille, n'a pas été victime d'un accident. Il est atteint d'une forme rare de la neurofibromatose, la deuxième maladie génétique en France. "La maladie s'est déclarée quand j'avais 5-6 ans, et puis cela a évolué", confie-t-il pudiquement. Le visage poupin du petit garçon d'origine martiniquaise a commencé à se déformer. De grosses tumeurs sont apparues, jusqu'à ronger la partie inférieure de son visage. Jusqu'à le transformer en monstre. "C'était Elephant Man", résume le professeur Laurent Lantiéri, qui a réalisé ce nouvel exploit.

"On a un donneur, viens vite!"

Homme-éléphant, peut-être, mais surtout garçon résolu. Entouré par sa mère et sa soeur à Argenteuil, Pascal suit une scolarité normale. La plupart de ses amis le connaissent depuis son arrivée, à l'âge de 3 ans, dans son quartier de cette ville du Val-d'Oise, à l'époque où il ressemblait à tous les petits garçons. "Ecole maternelle, primaire, collège, lycée professionnel, DUT électronique, j'ai tout fait", récite-t-il posément. Il doit pourtant arrêter l'électronique. Sa maladie, qui handicape sa vue, n'est pas compatible avec cette voie. Il se reconvertit, choisit la comptabilité. "Ça m'a toujours plu et j'ai toujours trouvé des stages", raconte-t-il fièrement. Après son diplôme, obtenu en janvier 2004, il décroche des entretiens mais on ne le rappelle jamais. Dans sa tête, tout bascule. Pour la première fois, il se décourage vraiment : "Je restais chez ma mère, je n'avais pas de salaire. Et voilà."

Depuis 1995, Pascal est suivi par le professeur Lantiéri, chef du service de chirurgie faciale à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Le médecin a bien tenté plusieurs dizaines d'opérations pour réduire les tumeurs faciales de son patient, mais rien n'y a fait : le jeune homme n'a toujours pas repris forme humaine. En 2001, le médecin décide de ne plus s'acharner. Entre-temps, le professeur Jean-Michel Dubernard, du CHU de Lyon, a mis au point un traitement immunosuppresseur qui lui a permis de réaliser les premières greffes de mains. Celle du visage est désormais possible. En 2005, Isabelle Dinoire est opérée. Le 20 janvier 2007, Pascal est devant sa télé. Il regarde Silent Hill, un film d'horreur adapté d'un jeu vidéo. L'histoire d'une femme perdue dans un monde de désolation peuplé d'étranges créatures. Le téléphone sonne, c'est Laurent Lantiéri: "On a un donneur, viens vite !" Un donneur compatible et qui a la même couleur de peau.

Dès le lendemain matin, Pascal est opéré. Quinze heures sur le billard. Il faut d'abord gratter les tumeurs jusqu'à l'os pendant quatre heures. Pendant ce temps-là, un autre médecin prélève le visage du donneur. Vient le moment où il faut relier les premières artères. Quelques jours plus tard, Pascal peut regarder sa nouvelle face dans un miroir et entendre l'exclamation ravie de sa mère : "Il a retrouvé le même visage que quand il était petit !" Après un an de convalescence, une rééducation faciale qui se poursuit aujourd'hui, Pascal a enfin trouvé un travail. Il est comptable dans une société spécialisée dans la gestion de courrier pour les entreprises. "Là où j'habite, tout le monde est content. Dans la rue, les gens me félicitent, me disent que c'est très bien ce que j'ai fait." A présent, Pascal a un nouveau but: "L'appartement", livre-t-il dans un souffle. Vivre enfin ailleurs que chez sa mère, comme un jeune trentenaire.

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