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31 décembre 2006

Le film de Roy Stuart

The Lost Door (La porte manquée)
Le film de Roy Stuart est le résultat d’un étrange travail.

On lit parfois que Roy Stuart était photographe de mode et que lassé des hypocrisies de la surface, il a décidé de révéler ce qui sous-tend l’imagerie fashion, le contenu latent des images sur papier glacé : le désir, le sexe, les corps, dans leur beauté et leur fragilité, en quête d’un naturel jamais réalisé…


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La surface

L’intérêt de ce travail est qu’il ne prétend pas révéler une espèce de vérité pure au-delà de la surface vestimentaire, derrière les voiles de la civilisation ; au contraire, c’est une autre superficie que son travail érotique, ou pornographique, découvre et expose, et un des aspects les plus émouvants de ses photos réside dans la révélation d’un nu qui ne parvient jamais à être naturel, même dans ses retranchements corporels les plus extrêmes, lorsque Roy Stuart choisit les modèles parmi les jeunes femmes dont la beauté n’a rien de commun avec les stéréotypes usuels de la femme objet, ou lorsqu’il se bat avec les modèles pour qu’elles acceptent de laisser pousser les poils sous leurs aisselles, et qu’il capte une gêne plus humiliante à exposer cette partie du corps que de laisser filmer leur sexe, tant les localisations de la pudeur sont variables et inattendues...

C’est comme si le photographe, ou le vidéaste, avait entrepris d’attaquer, par la photographie du sexe, les déterminations sociales du désir et de ses usages dans nos sociétés.

Expériences

Son travail est déterminé par un esprit expérimental très seventies, qui l’amène à toujours remettre en question la manière dont il utilise son lexique.

De fait, il a commencé à filmer ses séances de pose, appelant ces films courts, sans narration, structurés comme un regard, des glimpses.

Ainsi son goût pour la scénarisation des photos s’est trouvé de plus en plus lié à l’étrange narration visuelle que constitue le déroulement de la vidéo.

Malgré la remise en cause permanente que le flux interminable de la vidéo fait subir à toute élaboration dramatique, Roy Stuart en est arrivé à réaliser de véritables films.

La vidéo a eu pour effet de créer des enchaînements d’images où la forme très structurée de ses photographies se dissolvait et se développait dans l’écoulement visuel, les modèles prenant soudainement la parole pour interpréter la fiction de leur personnage engagé dans des drames mis au service d’une réflexion sur la place du sexe dans les relations humaines.

Associé à un poète, Nelson Villamor, et à un scénariste, Joseph Simas, Roy Stuart a entraîné certains de ses modèles dans l’aventure d’un « cinéma de vidéo », appliquant les principes figuratifs du cinéma classique à la dérive du regard que permet la technologie électronique.

The Lost Door

The Lost Door est le résultat de cette entreprise et s’est déroulé sur près de trois années, durant lesquelles la souplesse de l’outil vidéo a permis à Roy Stuart de travailler comme un écrivain, qui cherche ses phrases et compose ses mouvements, en y revenant encore et toujours.

Dans cette aventure tout pouvait toujours se réinventer : le jeu des non-acteurs, la narration et l’intrigue émancipées des contraintes de temps du cinéma mainstream, le langage visuel libéré de la dictature académique d’Hollywood…

Ecriture, tournage, montage, réécriture, tournage de plans supplémentaires, réinvention permanente de l’intrigue, du rôle des personnages dans l’histoire, ce film jamais terminé, ce film dont la fin était toujours repoussée, est devenu par moment comme un lieu de la peur de finir…

Un des effets indésirables de cette méthode d’écriture, mais qui n’en est pas moins édifiant, c’est qu’une des encres est faite de chair et d’os : ce sont les comédiens... Et en trois années, les comédiens changent, et en ce qui concerne les corps, la beauté et le désir, les changements des modèles altèrent la matière même du film.

C’est une des forces, et en même temps des limites de ce travail que de montrer des hommes et des femmes face à leur vieillissement.

Ce que le film révèle est assez terrible lorsqu’il montre la conviction et la générosité des actrices au début de l’aventure, combien leur engagement exaltait leur beauté ; et lorsqu’ensuite, il expose les mêmes personnes, filmées quelques années plus tard, et qu’il montre que tout leur être doute de leur légitimité à occuper l’écran, c'est-à-dire d’affirmer le déni de ces lois sociales du désir que Roy Stuart entreprend de combattre…

Morale en action

Le film est, en plus d’être un ouvrage de fiction visuel et narratif, une expérimentation sur les arts de la représentation affrontés à la question du temps…

Et ce n’est pas toujours à l’endroit du discours objectif (sur l’ « amour romantique », par exemple) que le film répond au credo naïf et radical de Roy Stuart : On doit toujours apprendre quelque chose d’utile dans un film…

Cette morale en action a pour but terminal la mise en œuvre d’un phénomène de distanciation d’avec la figuration, par la figuration.


L’esthétique glacée des brûlantes architectures de corps que Roy Stuart édifie a pour effet de rendre difficile l’identification du spectateur aux personnages, comme si le regard du photographe rendait les modèles aux actes qu’ils effectuent devant l’objectif, leurs actes, que le spectateur ne peut pas s’approprier impunément. Le voyeur est déjeté de l’identification et renvoyé à sa libido, à ses désirs et à son audace ou sa timidité.

La photo ou le film sont conçu comme un rituel dans le sens où, selon les découvertes des neurologues, agir ou assister à l’action sollicite les mêmes zones du cerveau…

Idéalisme

Roy Stuart est passionnément engagé dans une aventure qui excède les enjeux traditionnels de la pornographie ou de l’érotisme : il cherche à faire dire quelque chose à ses modèles que ses modèles ne disent pas.

En effet, Roy Stuart part du principe que c’est le désir et la passion qui, en tant que dommages collatéraux de la sexualité, guident les hommes dans le malheur. Il cherche par là à inventer un modèle d’être humain, notamment féminin, qui soit libéré de ce « vice de forme » existentiel que constitue l’amour romantique…

Les personnages que Roy Stuart met en œuvre dans ses fictions glissent légèrement et librement sur l’existence, portés par leurs pulsions, débarrassés de la servitude des sentiments.

Le problème auquel se heurte l’artistes, et qu’il concède avec humour, c’est que ses « modèles », du moins les femmes qui incarnent le modèle humain qu’il veut produire, ne mènent pas leur vie de cette manière idéalisées, et demeurent, malgré la discipline ascétique de l’exhibition, guidées par des rêves sentimentaux, attendant que le prince charmant surgisse entre deux prises de vues…

Il y a dans le paradoxe de la démarche de Roy Stuart le même dilemme que la littérature française a pu connaître lorsque cet abîme opposait Racine à Corneille : faut-il peindre les êtres tels qu’ils sont ou tel qu’on les voudrait ?


- par XLO

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Commentaires
A
Du 6 novembre au 1er décembre 2007, le STUDIO ART AND YOU accueille une exposition personnelle de l’artiste américain ROY STUART. Intitulée “PARIS 2007”, celle-ci rassemble neuf tirages de grand format (dont plusieurs “Glimpses”, ses célèbres photographies coquines), une sélection exclusive de tirages de petit format aujourd’hui collectors, et un extrait de son dernier film The Lost Door.<br /> <br /> C'est au 14, rue Richer - 75009 Paris<br /> <br /> ;)
S
La chanson provient de la bande sonore du film The Lost Door. Pour détails: www.roystuart.net
M
+ serieusement <br /> quel est le morceau de musique a l'entree du<br /> site de roy sturt.net machin<br /> <br /> mercimercimercimercimercimercimerci<br /> <br /> momo55
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